Jean-Pierre Arnaud

PORTRAIT PRESQUE CLASSIQUE DE MICHEL JOUET

Michel Jouët, né à Cholet en 1943, dessine obstinément depuis sa première enfance. Dès l’âge de neuf ans, il suit avec avidité les cours particuliers de M. Frescal, en dessin artistique, de M. Ronsin, en dessin technique. Son école technique prendra le relais, conduisant progressivement son parcours vers une abstraction qu’on pourrait déjà qualifier de « pré-géométrique », comme on parle plus noblement des « pré-socratiques » en histoire de la philosophie. Il n’en reste hélas! aucune trace. Mais, soyons-en certains, bien des idées, bien des rêves ont germé dans ce terreau de la toute première jeunesse. Il participe de 1970 à 1973 à plusieurs expositions et salons, notamment à Cholet, mais aussi à la Galerie Argos de Nantes, avec Seuphor, Gorin, Morellet, Peire, et au Festival International d’art contemporain de Royan : projet de route musicale et installation de cubes dans les rues de la ville. Plus tard, bien plus tard (son retour public à la peinture ne date que de 1987), donc après une quinzaine d’années d’insubordination qu’on sait voyageuse et créatrice (esquisses et projets de cette période d’écart volontaire consacré à la recherche pure ont d’ailleurs été partiellement exposés au Musée des Arts de Cholet en 1990), il se coulera dans le moule de l’abstraction systématique et participera même avec plaisir à différentes expositions de groupe. Une exposition dans les murs de la Fondation Arp—Taeuber de Clamart, couronnera en 1995 le besoin profond de cette nature insubordonnée d’affirmer avec droiture ses dettes et son appartenance. Ses premières œuvres s’apparentent au cinétisme. Par la suite la part laissée aux fantaisies du hasard ou à la rigueur des programmes qu’il s’invente tout seul lui assureront, au fil d’expositions désormais régulières, une originalité aujourd’hui
reconnue de tous ses pairs. Si le noir et le blanc jouent un rôle majeur dans ses partitions, il ne s’interdit pas d’autres couleurs, en fonction de la nature de ses projets, sans jamais trop s’éloigner quand même des couleurs primaires. Aucun domaine des arts visuels ne lui reste étranger : toiles (parfois basculées par un fil à plomb), reliefs, collages ou effaçages par superpositions de couches picturales, réalisations murales, volumes, détournement d’œuvres anciennes, de plumes d’oiseaux ou d’artefacts industriels, installations éphémères, ameublement domestique ou urbain, interventions dans des projets architecturaux. La liste est incomplète. Mais ses travaux n’obéissent jamais aux lois du design ou de la décoration. Liberté et rigueur ne s’allient guère chez ce libre-penseur qu’à l’humour. Et cet humour s’affirme davantage dans la subtilité du jeu proprement plastique que dans la fonctionnalité ou dans la dérision pratiquée de l’extérieur. C’est important à signaler : rien de cynique chez cet artiste, qui demeure envers et contre tout (et, parfois, contre tous) miraculeusement désintéressé. On ne lui connaît qu’une religion celle du travail bien fait et du respect des autres. En réalité, et pour conclure en revenant à l’essentiel, c’est-à-dire à l’esthétique, ne nous laissons pas tromper par les mots ou les étiquettes, Michel Jouët s’inscrit indubitablement dans la mouvance géométrique, avec ses jeux de lignes et de volumes, sachant, dans une même œuvre de défi (le Sphube du Musée de Cholet), faire dialoguer avec l’aisance d’un équilibriste, lignes tendues, sphère et carré. Mais ce géomètre déclaré développe un art très à part dans sa propre famille. Il est d’ailleurs reconnaissable entre cent pour un œil exercé. Aux esprits trop cartésiens ou trop dociles à la doxa médiatique, on ne le suggère qu’in fine, l’esprit de finesse ne semble pas être resté complètement étranger au géomètre Michel Jouët. A vrai dire, pas besoin de grande expertise pour s’en apercevoir : il suffit de regarder ses oeuvres, même distraitement, ou bien, si l’on a cette chance, de l’entendre parler, en privé. Les répliques de cet esprit impatient fusent, telles les flèches de Zénon d’Elée, sans qu’on ait vraiment eu le temps de l’interroger.

Jean-Pierre Arnaud
Angers, mars 2018

Eric Morin

Le travail de Michel Jouët est dense et fécond. Il nous mène de surprise en surprise malgré l’économie de moyens mis en œuvre. L’apparente rigueur de ces prodictions minimalistes ne peut guère occulter le foisonnement des expérimentations sous-jacentes.

Et il y à là comme une -malicieuse- incitation à a créativité à laquelle il est bien difficile de résister. Ainsi, les traits et les trames se perdent-ils dans des jeux aux variations infinies. La lumière et le mouvement se moquent d’une perception trop assurée de la réalité tandis que les transparences ajoutent au trouble. Le carré, forme privilégiée s’il en est, doit de temps en temps accepter la cohabitation avec le cercle, voire même lui céder la place. Les pliages et les recouvrements appellent insensiblement la venue des volumes qui ne manquent jamais de pencher vers des équilibres instables. Les effets d’opacité ouvrent la voie aux dégradés de gris, véritable mise en couleur du noir et du blanc alors que les autres couleurs, instillées parcimonieusement, claquent avec retentissement. Le recours aux  matières les plus diverses (fil toile, métal, verre, plastique ou plume…) permet de démultiplier les points de vue.  Et le désordre, indispensable à l’ensemble, est  apporté par les cassures, les fractures ou pour le moins les fractionnements qui font disparaitre cadres et frontières.
Ainsi va la découverte de l’œuvre de Michel Jouët, au gré d’irrésistibles retournements et de nécessaires dépossessions. L’abandon est délicieux pour qui s’éloigne des apparences. N’a-t-on pas écrit, à juste titre, à propos de cet artiste que l’ordre est au service de la volupté » ?

 

Eric MORIN – 2009
Conservateur de musées

Jean Philippe Miraux

Né en 1951, formation Normale Sup. A publié des ouvrages sur l’autobiographie, le personnage romanesque, le portrait littéraire ainsi qu’à partir de textes de Raymond Queneau et de Samuel Beckett.

Il réfléchit et écrit sur le travail de Michel Jouët depuis une quarantaine d’années.

L’interrogation porte particulièrement sur l’origine du geste artistique et  sur l’énigme que constitue le pinceau qui s’achemine vers le tableau, et le tracé qui s’inscrit sur l’espace de la blancheur.

Textes

L’abandon des regards
Est abandon du monde.
Toi, l’œuvre,
Indique nous
L’aurore de nos clartés.

Lire la suite…

Texte Russe – МИШЕЛЬ ЖУЭ

МИШЕЛЬ ЖУЭ

 

Мишель Жуэ родился 09/11/1943 в Шолэ (Франция ). Он рисует с девяти лет и орентируется в геометрическую абстракцию с начала 60-х годов.ִ

Он участвует в различных экспозициях с группами артистов (Сефором, Гориным, Моролэ и Пэром ) и в индивидуальных выставках.

Его первые произведения ( Концентрические окружнoсти на белом фоне, 1967 )

близки к зрительной игре в кинетике, далее подход Жуэ становится более тонким ( Поворачивание фигур на 25 градусов ). Белый и чёрный – любимые цвета артиста, который некоторое время не раскрашивает свои произведения.

Эти игровые смешания и строгость чёрной линин иногда смягчает металлическая вогнутость, которая продолжает и выносит её за пределы картины. В других произведениях оловянный трос дополняет зрительную игру ( Без названия, 1987-1991 ).Артист предсавлен в музее города Шолэ во Франции ( Пять кругов и квадратов , 1967 ). Индивидуальная выставка была посвяшана Мишелю Жуэ в 1995-1996 годах.

Serge Teskrat

D’une géométrie baroque à une géométrie curieuse

01 – Sur la route de Maulévrier

Les blés, mûrs à craquer, ondulent sous le vent. D’énormes machines, sophistiquées, les moissonnent. Les bottes, compressées, forment de gigantesques roues éparpillées ça et là, dans l’or des champs hérissées. Ce désordre incongrue s’absorbe et s’évanouit par la dissolution hallucinatoire de cette chaleur vibrante de l’après-midi.

Lire la suite…

Bernard Truffault

Le Sphube

L’artiste, par exception, lui a donné un titre. Ce n’est pas une énigme, il y a sphère, il y a cube. Une chose est certaine, il occupe l’espace uniquement par des lignes. Il pique la curiosité, il parle à l’intuition mais est-ce une œuvre d’art ou bien un trompe-l’œil ?

Le géomètre, blasé, dresse un premier constat. C e fil noir décrit un carré gauche, dont les deux côtés déterminent deux plans horizontaux et deux verticaux.

Lire la suite…

Emmanuelle Tenailleau

Paroles sensibles

Michel Jouët est un homme accueillant, prêt à vous recevoir dans son univers. Au fur et à mesure de la conversation, il se révèle entièrement tourné vers le futur, en quête d’universel et de pureté.

Voir son œuvre constitue une véritable expérience, physique, mentale, sensible. Une expérience nouvelle pour tous ceux qui ne pratiquent pas ce monde de l’art géométrique. Prenez le temps de vous laisser couler dans les espaces créés.

Lire la suite…

Christiane Talmard

Une petite phrase de Jean TARDIEU, mise en citation dans ce catalogue, ne cesse de me traverser l’esprit comme une flèche décochée par un archer plein de malice et de subtilité, dès l’instant où je pense à Michel JOUËT.

« Prolonger une ligne droite à l’infini, qu’est-ce que vous trouverez au bout ? »

Lire la suite…

Jacques Sauvageot

Michel Jouët : un art de la vie

Michel Jouët fait partie de tous ces artistes qui cherchent à développer un art qui soit résolument nouveau, moderne, contemporain, un art de la vie.

Il a commencé à peindre et à exposer dans les années soixante-dix avec des artistes comme Jean Gorin, François Morellet, Luc Peire, Michel Seuphor…, des artistes dits de « l’abstraction géométrique ».

Lire la suite…

Claude Renouard

THEOREME

Il y en a plein, comme les volutes de l’Etna.

Des noirs des blancs parfois des rouges ou des gris.

Ce sont des jeux de formes géométriques, des lignes de surfaces, mais aussi des plans des forces, du hasard beaucoup, de l’humour.

Puis il y a le Monde, les murs, qu’il voit blancs, la nature, d’autres murs, d’autres espaces qui s’imposent et qu’il modifie par ses créations.

Un objet « tableau » ou « sculpture » de Jouët est insolite, l’accumulation des « Jouët » trouble, puis réjouit.

Lire la suite…