Jacques Sauvageot

Michel Jouët : un art de la vie

Michel Jouët fait partie de tous ces artistes qui cherchent à développer un art qui soit résolument nouveau, moderne, contemporain, un art de la vie.

Il a commencé à peindre et à exposer dans les années soixante-dix avec des artistes comme Jean Gorin, François Morellet, Luc Peire, Michel Seuphor…, des artistes dits de « l’abstraction géométrique ».

Il s’agissait alors de désigner par là un groupe d’artistes qui, à la suite notamment de Mondrian, auraient refusé de considérer que l’art devait être une évocation ou une imitation de la réalité, éventuellement transcendée par l’habileté magique de l’artiste. Pour remplacer la représentation de la nature, pour que la peinture ne soit pas « la copie d’une copie » (pour reprendre les termes de Platon pour qui l’artiste qui copie la nature ne serait qu’un imitateur des apparences), ces artistes auraient voulu revenir aux origines, se tourner vers la géométrie permettant à la fois de montrer que l’art était une activité de l’esprit et de fonder l’art sur une démarche objective, moderne, en rapprochant création artistique et création scientifique.

En fait l’histoire nous montre que cette vision, cette présentation, ne correspond pas à la réalité, et qu’elle n’y a d’ailleurs jamais correspondu.

Les artistes qui ont avancé le plus radicalement sur la voie de l’abstraction n’ont jamais voulu se séparer de la vie, au contraire ! Lorsqu’en 1914 Malevitch présente son carré noir sur fond blanc, il le présente comme « un enfant royal plein de vie », qui va lui permettre de construire « le nouveau réalisme pictural ». Lorsqu’il peint son carré blanc sur fond blanc, il voit « l’abîme libre blanc, l’infini » s’ouvrir devant lui.

Mondrian, à peu près à la même époque, quand il se met à construire ses tableaux à partir de lignes verticales et horizontales, parle d’un « art réaliste-abstrait », susceptible de rendre compte de l’unité profonde de la nature, au-delà de ses apparences ; l’équilibre qu’il cherche à atteindre « par l’équivalence de la nature et de l’esprit, de ce qui est individuel et de ce qui est universel, du féminin et du masculin… est non seulement réalisable dans la plastique mais encore dans l’homme et dans la société ». (Le néo-plasticisme. Texte pour la revue « Vouloir », écrit avec l’aide de Michel Seuphor en 1926.)

On est donc loin d’un art coupé de la vie, même s’il n’en imite pas, n’en reprend pas les images habituelles.

On est loin également d’un art qui, parce qu’il met en jeu des formes simples, serait uniforme, homogène, voire répétitif.

En réalité, quand on regarde toutes les œuvres, on voit bien qu’il y a en fait beaucoup de diversités et d’évolutions. Chaque artiste occupe une position singulière, développe l’expression de sa propre sensibilité, propose son regard, qui évolue avec le temps.

Alors, à cet égard, comment se situe l’œuvre de Michel Jouët ?

Comme beaucoup d’artistes, lorsqu’on leur demande d’expliquer, sinon de justifier leur travail, Michel Jouët a parfois contribué à nous induire en erreur sur le sens de son travail.

En 1991, à Bernard Fauchille, conservateur du Musée de Cholet, il déclare avoir « toujours été fasciné par la géométrie, son apparente simplicité ». Ses œuvres seraient donc le fruit de constructions géométriques ?

Mais, un peu plus tard dans la conversation, l’artiste évoque « la traînée d’avion, un fil à plomb, une poutre craquelée… qui le ravissent », et il évoque « les idées (qui) viennent la nuit : je dessine, je déchire, je fais de multiples dessins, dont quelques-uns seulement seront réalisés en grandes dimensions… Il y a toujours quelque chose qui surgit ». Ici, il nous suggère une toute autre méthode !

Toutes les œuvres de Michel Jouët témoignent de la combinaison de ces deux approches, mais les tableaux avec fil à plomb ou les tableaux avec plumes sont particulièrement significatifs.

Michel Jouët a souvent utilisé la ficelle ou le fil : c’est à la fois un trait, une ligne, et une matière sans épaisseur, qui peut être teintée dans certaines parties, passant ainsi de l’invisible au visible. Elle crée un autre espace que celui de la toile, tout en renvoyant à ce qui fait la toile. Elle peut coller à la surface ou, au contraire, s’en détacher, redoubler l’espace, créer un espace à la fois virtuel et réel.

Les tableaux avec fil à plomb pourraient se rapprocher d’œuvres « mécaniques », ils pourraient évoquer la rigidité, la géométrie stricte. Ce sont peut-être pourtant ceux qui nous laissent percevoir l’effet du hasard, un sentiment poétique, et qui est toujours susceptible de renouvellement d’une pièce à l’autre : les tableaux sont à la fois instables mais forcément équilibrés ; quelles que soient leurs directions, toutes les lignes semblent à leur juste place !

Qu’est ce qui fait que la plume d’oiseau, avec sa légèreté, sa finesse, ses teintes délicates… semble si bien trouver sa place dans le réseau de lignes géométriques dont elle semble constituer l’élément organisateur ? Les lignes naturelles et les lignes géométriques fonctionnent ici en parfaite symbiose.

Les œuvres de Michel Jouët ont cette particularité, en associant les contraires, de pouvoir nous donner le sentiment d’une grande rigueur conceptuelle et, simultanément, d’une vision poétique.

Michel Jouët continue à faire des peintures et des sculptures.

Ses constructions sont de l’ordre de la peinture ou de la sculpture. Certes, il accorde une grande importance à l’espace de l’œuvre, et il a même réalisé de nombreuses œuvres d’art public (des murs d’usine au Mans, le parvis du restaurant universitaire de la Faculté des sciences de Nantes, une pyramide dans un parc à Annecy…). Il n’en est pas pour autant un artiste de l’installation, qui chercherait à combiner différents médias ou supports en vue de créer un espace avec lequel le spectateur pourrait inter agir.

Pour lui, le dispositif doit paraître avec toute sa simplicité, avec une espèce d’évidence. Il refuse en particulier tout ce qui pourrait donner une dimension « technologique » à ses œuvres, qui doivent donner l’impression d’une présence en quelque sorte « naturelle ».

Chez Michel Jouët, il n’y a pas non plus d’ironie. Lorsqu’il peint « Tenue de chantier » en 2006, le tableau est constitué de bandes vertes et blanches ; on est dans la transposition des motifs et des couleurs des tenues de travail, mais aussi et surtout devant un tableau construit à partir d’une harmonie colorée et d’un rapport de surfaces. Quand il dispose un tableau d’une façon inhabituelle, un motif dessiné va réintroduire un élément d’équilibre. Si bien que, au bout du compte, tout semble « à sa place ».

Son but n’est donc pas de détourner les objets, encore moins de détourner l’art, mais plutôt de nous amener à faire fonctionner notre regard en dehors de nos habitudes, ou des « évidences », dans toutes les directions.

Comme tous les artistes qui ne s’enferment pas dans la production d’un système, Michel Jouët a évolué avec le temps ; son œuvre a naturellement été influencée par ce qui s’est passé dans l’art du XX° siècle. Mais il a toujours cherché, à travers ces influences, ces découvertes partagées, à développer des propositions ouvertes.

Comme de nombreux artistes, Michel Jouët, par exemple, s’est intéressé au néon et au fluo, qui permettent de jouer à la fois sur la diffusion de la lumière mais aussi de construire des jeux colorés apparemment simples. On peut constater qu’il a su en jouer sur tous les registres : la lumière peut transpercer la toile, ou dévoiler sa transparence, ou au contraire n’apparaître que dans les interstices.

Chaque œuvre est l’occasion d’un jeu nouveau, exploiter une nouvelle possibilité, l’immatérialité de la lumière se combinant avec la matérialité du support.

Comme beaucoup d’artistes, Michel Jouët a interrogé le format de la toile, le cadre, dans de nombreuses œuvres et de façons différentes.

Les « shaped canvas » – tableaux découpés – sont des peintures réalisées sur des toiles non rectangulaires (rondes, triangulaires, voire avec des surfaces en relief) et ont une histoire ancienne (on en trouve dès la Renaissance) ; ce type d’œuvres a été particulièrement revisité dans les années soixante par toute une série d’artistes qui souhaitaient remettre en cause la tradition picturale, ouvrir l’art à la vie : Jasper Johns, Fontana, Stella…

Michel Jouët connaît bien les œuvres de ces artistes, mais son travail, qui peut paraître proche, est en fait dans un tout autre esprit. Ses tableaux dont les bords sont découpés, ou qui associent plusieurs formes, ou qui jouent sur le déplacement de fragments, de carrés… aboutissent, paradoxalement, non à remettre en cause le format de l’œuvre, sa nature (peinture, sculpture), mais au contraire à renforcer le support, tout en lui ouvrant un espace de liberté, de respiration.

De même, lorsque Michel Jouët « ouvre » la toile (par des fentes régulières au cutter, ou en « écartant » deux parties du carré (faisant apparaître les couleurs non sur la surface de la toile mais sur les bords du châssis à l’intérieur du tableau), ou en découpant une partie de la toile pour recoller sur les extrémités un morceau du châssis (dont la matière fonctionne comme une couleur), il ne nie pas la toile, l’œuvre : la forme qui réapparaît sur le côté semble corriger, rectifier, combler la partie qui a été enlevée, mais au contraire en réaffirme la présence (à la différence par exemple de Lucio Fontana qui, dans ses œuvres lacérées cherche avant tout à exprimer son « concept spatial » d’une œuvre qui articulerait à la fois peinture, sculpture, matière, forme et espace, établissant un continuum entre l’espace de l’œuvre et l’espace du spectateur).

Même dans le cas des œuvres qui mettent en jeu les mêmes procédures (pliages, recouvrements, déchirures…), chacune des œuvres est le lieu d’une expérience particulière et originale et non le résultat d’un procédé qui resterait déterminant tout en acceptant quelques variations, qui pourrait expliquer ou justifier toutes les œuvres construites à partir de ce procédé. Ainsi, on ne peut pas vraiment parler de séries : les fils à plomb, les tableaux avec plumes, les recouvrements… ne constituent pas véritablement des ensembles : les œuvres se répondent les unes aux autres, mais chaque œuvre reste singulière, propose un territoire spécifique.

Michel Jouët n’est ni rétinien ni systématique : ses tableaux peuvent sembler reposer sur des procédés de construction ou de déconstruction, donner l’impression du mouvement ; il n’en est pas pour autant un artiste cinétique qui construirait ses œuvres à partir de la mise en œuvre de lois sur le fonctionnement des couleurs ou les mécanismes optiques.

Comme l’art minimal, son œuvre met en jeu des formes simples, dans lesquelles la personnalité de l’artiste semble disparaître ; il accorde une grande importance à la simplicité, à l’évidence des matériaux, il utilise des couleurs sans nuance, sans matière. Mais ses œuvres expriment toujours une certaine poésie, quelque chose de l’ordre de l’incertitude. En sens, il est sans doute, la plupart du temps, plus proche d’un Dan Flavin que d’un Carl Andre.

Les œuvres se présentent comme si elles avaient été réalisées par un anonyme : nulle trace du geste de l’artiste ; tout semble avoir été réalisé et construit de la façon la plus impersonnelle, la plus simple qui soit : la facture est anonyme, les matériaux semblent ordinaires.

Mais en même temps on voit bien qu’il ne s’agit pas d’une production industrielle. Non pas seulement parce qu’elle n’est pas faite en série, mais aussi parce que chaque matériau, surface, ligne, couleur… semble avoir sa propre matière, exprimer une vie particulière.

Les objets ne sont pas sophistiqués. Les constructions semblent être très exactes, mais ne mettent pas en jeu des mécanismes compliqués ! Elles sont en quelque sorte assez « naturelles ».

C’est ce qui fait que Michel Jouët est certainement, aux côtés de Gottfried Honegger, Vera Molnar, François Morellet, Yves Popet, Sigurd Rompza…un des artistes les plus emblématiques de l’art « construit » d’aujourd’hui : un art plein de vie, de jeunesse, et de poésie.

Jacques Sauvageot – avril 2010

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Michel Jouët : un « constructeur »

L’œuvre se présente comme une grande peinture. Le fond est blanc, comme non peint, mais en fait il est recouvert d’une peinture blanche, posée d’une façon uniforme, sans qu’apparaissent traces de pinceau ou épaisseur de peinture. Sur cette surface « en attente », un jeu de lignes noires, toutes noires, indiquant des chemins, engageant le regard dans des directions variables. Certaines de ces lignes semblent épaisses, ce sont presque des barres ; d’autres sont plus minces, elles évoquent plutôt des traits, des griffures, même parfois des brins d’herbes. Toutes ces lignes ne représentent rien ; pourtant elles semblent « dessiner » quelque chose.

Elles peuvent se regrouper. Certaines forment des blocs, mais d’autres laissent passer l’espace dans lequel elles sont inscrites. Quel espace ? On ne sait pas, mais il y a un espace. Comme on perçoit bien que ce jeu de lignes ne ressort pas du pur hasard : il y a une « composition ». Mais on ne peut pas parler de composition géométrique : il y a trop de variété, les lignes ouvrent vers trop de directions. L’ensemble paraît très simple, mais on sent bien, en réalité, que derrière tout cela, il y a une certaine complexité. De même que le blanc de la surface n’est pas une surface vide mais un espace d’apparition, d’écriture, de même les lignes noires ne sont pas simplement noires ; elles ne sont ni vraiment parallèles, ni vraiment croisées ; et, quand elles se recoupent, elles donnent l’impression de constituer des espaces en mouvement, comme des signes qui s’inscrivent dans un ciel.

Cette peinture fait partie d’un ensemble de trois peintures, de même format, apparemment semblables si l’on regarde les lignes, les formes, les couleurs (si l’on admet que le noir et blanc sont des couleurs), mais toutes différentes. Dans l’une, la moitié inférieure de la toile est toute blanche, toutes les lignes étant regroupées dans la partie supérieure, où elles semblent dressées vers le ciel. Dans les deux autres, les lignes occupent davantage toute la surface de la toile, le centre et les bords ; et les variations d’épaisseurs des traits et des angles évoquent quelque chose de plus compliqué.

Ces trois œuvres constituent la série « Interprétation d’une œuvre de Paolo Uccello », peinte par Michel Jouët en 1987.

Paolo Uccello, un des artistes les plus importants de la première renaissance, a peint entre 1456 et 1460, trois toiles, commémorant la bataille de San Romano, qui vit, en 1432, le triomphe de la ville de Florence contre la ville de Sienne.

Les trois panneaux peints par Uccello représentent trois épisodes de cette bataille ; ils sont aujourd’hui dispersés dans trois musées (la National Gallery à Londres, le Louvre à Paris, la Galerie des Offices à Florence), mais ils étaient au départ destinés à orner les trois murs d’une même pièce d’un palais florentin, pour renforcer l’effet des perspectives, tout à fait étranges, à partir desquels ces tableaux avaient été peints.

Uccello est souvent présenté comme l’inventeur de la perspective ; mais il est surtout considéré comme un artiste « bizarre ».

Sa perspective est un mécanisme caché : ses tableaux de la bataille de San Romano, avec leurs cascades de casques, d’armures, de chevaux, et de lances – ces lances qui constituent un des motifs principaux des peintures, et que Michel Jouët va « interpréter », n’ont pas de profondeur, les couleurs sont intenses et pures, l’accent est mis sur de grandes formes simplifiées.

Avec Uccello, la perspective, qui existe pourtant à la base de la construction, devient un pur jeu de fantaisie, et contribue à composer un tableau que nous jugerions aujourd’hui presque futuriste ! Et, quand on connaît Michel Jouët, ce n’est pas un hasard si cette œuvre d’Uccello est devenue pour lui aussi emblématique.

Ses œuvres jouent sur le même univers : une composition sous-jacente rigoureuse, mathématique, ordonnée, ni naturaliste ni sentimentale, mais qui dépasse le procédé constructif pour exprimer une vision avant tout poétique, une passion pour la ligne, la forme, l’espace, à travers un jeu réduit de formes et de couleurs.

Les projets de « sculptures » de Michel Jouët remontent au début des années 1970. L’idée qui en est la base peut paraître simple, évidente. Nous avons été amenés à considérer que le propre d’un cube, c’est d’être un volume défini par des faces carrées toutes identiques : à la base du cube il y a donc l’arête du cube qui, se déployant dans trois directions, définit le volume.

Mais Michel Jouët fractionne la ligne, il lui donne de l’épaisseur, il dispose son cube sur la pointe… Ce qui trouble complètement et notre perception et le jeu d’ensemble : en fait les lignes deviennent volumes, et le volume principal est défini « en creux ». La sculpture donne une impression de légèreté, de mouvement, alors qu’elle devrait, normalement s’imposer par sa masse. Et la perception en est très variable, selon le matériau choisi pour réaliser la sculpture, la couleur qui lui sera appliquée, la section de la colonne utilisée pour construire le cube.

Tony Smith, au début des années 1960, avait déjà joué sur la complexité de cette forme simple qu’est le cube. Die était un cube en métal noir, de six pieds de côté, dont il disait : « il s’agit d’une pièce compliquée. Elle renvoie à trop de choses pour que l’on puisse en tenir compte d’une façon cohérente ». En effet on ne sait pas si cette pièce évoque le jeu ou la mort (le titre peut renvoyer aux deux), s’il s’agit d’un volume plein ou d’un volume vide, de quel côté il faut la voir.

Avec la « sculpture », de Michel Jouët, on est, avec d’autres moyens et dans d’autres buts, dans la même complexité. Michel Jouët, à la différence de Tony Smith, fait éclater le cube, lui donne une couleur, le pose en bascule… Si bien que le cube disparaît chez lui à travers le jeu des lignes : sa sculpture est perçue d’abord comme une jeu graphique dans l’espace, en mouvement, plutôt que comme un volume défini par son poids, sa masse, sa matière. On est dans la sculpture, mais également dans la peinture.

De nombreuses œuvres de Michel Jouët jouent sur cette ambivalence « peinture/sculpture », qu’il pratique depuis longtemps, et qu’on retrouve aujourd’hui dans de nombreuses œuvres contemporaines (comme, par exemple, dans les Anneaux de Buren, quai des Antilles, à Nantes). C’est un art qui a à voir avec l’architecture.

La plupart de ses œuvres, même les peintures, ont une épaisseur, sont inscrites sur un volume, ou définissent un volume, qui fait que son travail, bien que donnant une grande importance à la ligne, ne peut jamais être lu comme une application de couleurs ou de lignes sur une surface, renforçant la planéité de cette surface : même les recouvrements (des toiles dont le fond coloré va être recouvert de couches successives de peinture blanche) ont une certaine épaisseur ! Le support donc a son épaisseur, un volume, qui fait partie du jeu. Sur ce volume, les lignes tracées, les surfaces peintes, évoquent, créent des profondeurs.

Sur le support viennent souvent se greffer ou jouer des matériaux qui peuvent être divers, qui ont leur qualité propre, souvent graphique, mais que Michel Jouët va en quelque sorte pervertir, retourner, pour les transformer en « morceaux d’architecture ».

Dans une série d’œuvres des années 2000, constituées de carrés découpés, il déplace certains des carrés, faisant ainsi apparaître en profondeur le support, dégageant un relief dans le tableau ou sur ses bords, que la lumière sur la surface du tableau renforce allant même parfois jusqu’à créer une illusion de profondeur, qui n’existe pas !

Michel Jouët peut créer un volume avec des fils, des ficelles tendues à la surface du tableau. Il peut percer le tableau avec des tubes de néon, ou les éclairer par derrière de telle sorte que le tableau devient un espace en profondeur.

À cet égard, les tableaux avec les fils à plomb sont d’autant plus intéressants qu’ils permettent à la fois de bien percevoir cette réalité et de comprendre qu’elle est construite sur un jeu ! On est dans l’ordre du réel, de la construction, mais en même temps dans l’ordre de la potentialité, de l’illusion, du paradoxe.

C’est dans les années 1990 que Michel Jouët a constitué le fil à plomb comme « axe de sa peinture » : dans ces œuvres, les fils à plomb sont nécessairement, toujours droits, verticaux, mais les tableaux auxquels ils sont liés peuvent être décalés et porter des graphismes dont on ne sait s’il faut dire qu’ils sont obliques ou droits. Les tableaux donnent l’impression de légèreté que dégage le fil à plomb ! Ce que nous percevons, comme léger et instable repose en réalité sur la masse, le poids, l’équilibre. Finalement, on est à la fois dans le domaine du paradoxal et dans le domaine du normal.

La plupart des œuvres de Michel Jouët fonctionnent donc sur cette mise en scène de l’ambiguïté, qui commence avec la mise en œuvre d’un système constructif dans lequel la construction se trouve détournée et qui fait percevoir naturelles, simples, les choses qui peuvent être les plus complexes. Pourquoi, par exemple, dans les tableaux à plumes, les plumes d’oiseau, ramassées par hasard dans la nature, semblent-elles avoir été faites pour s’inscrire dans le dessin que leur propose Michel Jouët ?

Michel Jouët a souvent évoqué le rapport qu’il pouvait y avoir entre son travail et l’architecture. Comme un architecte, il construit avec des contraintes, des matériaux, assemble des éléments souvent « simples ». Et ses œuvres semblent avoir été faites pour s’inscrire dans une architecture contemporaine.

Mais surtout, ce qui, dans le travail de Michel Jouët, a à voir avec l’architecture, c’est la pureté sur laquelle reposait et que traduisait le dessin d’architecture, la façon dont une (belle) architecture peut-être non pas une masse pesante mais un espace évoquant une idée, un souffle, un rêve. Et ce n’est pas un hasard si Michel Jouët évoque les œuvres d’architectes comme Le Corbusier, Franck Lloyd Wright, Oscar Niemeyer, Tadao Ando…

Michel Jouët fait sans aucun doute parti de ces artistes de « l’art construit », qui, à la suite de Mies Van Der Rohe, peuvent proclamer « less is more ! »

Jacques Sauvageot

Mai-juin 2010

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Mouvements et sensations

« La construction, c’est pour faire tenir. L’architecture, c’est pour émouvoir ».

Le corbusier

Rentrer dans une exposition de Michel Jouët, c’est rentrer dans un monde qui nous paraît d’abord très simple, mais dont nous percevons assez vite l’étrangeté, sans pour autant savoir donner les raisons de ce sentiment ! Les œuvres semblent répondre à une même logique, à un type de travail bien défini. Mais, très vite, on sent que l’on a pénétré dans un univers très diversifié, et que des œuvres qui au premier coup d’œil semblaient assez proches les unes des autres, renvoient en fait à des mondes différents, et, finalement, quelque part inclassables. Dire que Michel Jouët est un artiste « géométrique », ou « construit », ou à ses débuts, « cinétique » ou « optique », nous permet peut-être de dire à quoi ses œuvres ressemblent, mais pas ce qu’elles sont exactement, pas ce qu’elles expriment et ce qui nous y voyons ou pouvons y voir !

Michel Jouët fait partie de ces artistes qui, dans les années soixante-dix, ont été les protagonistes d’un art « moderne », qui l’était et le demeure, comme les tableaux de Mondrian qui continuent à nous interroger et à nous émouvoir par leur radicalité, … comme la DS de chez Citroën qui, lorsque nous en voyons encore le long des routes, nous donne toujours l’image d’une voiture moderne, d’avant-garde !

La simplicité n’est pas la pauvreté ! Et la richesse d’une œuvre n’est pas forcément liée à sa complexité apparente ! On peut se rappeler à cet égard la conversation (rapportée par Thomas B. Hess, dans le catalogue de l’exposition Newman de 1972 à Paris au Grand Palais) qu’aurait eu Elaine de Kooning et Franz Kline avec un collectionneur, hors de lui, sortant de la première exposition personnelle de Barnett Newman. Pour ce collectionneur, « il n’y avait rien, strictement rien » à voir qu’une douzaine de toiles, « toutes exactement pareilles, avec une bande au milieu, c’est tout ». Questionné par les artistes, le collectionneur doit finalement admettre que les tableaux diffèrents par leur taille, leur couleur, leurs bandes, leurs proportions… Finalement il se rend compte qu’il n’a pas bien regardé ; et Franz Kline de conclure que tout cela lui « paraît diablement compliqué » !

1972, c’est précisément le moment où Michel Jouët va véritablement apparaître comme un des artistes du mouvement de « l’abstraction géométrique ». Il participe au salon des Arts de Cholet, et expose à la galerie Argos à Nantes (avec Lucio Del Pezzo, Jean Gorin, François Morellet, Luc Peire, Michel Seuphor). Depuis, bien qu’ayant pendant quinze ans refusé toute exposition, il a participé à de nombreuses expositions, en France et surtout à l’étranger (Allemagne, Arabie saoudite, Brésil, Espagne, Grèce, Italie, Pays-Bas, Pologne, Russie, Suisse…). En dehors des expositions personnelles, les expositions collectives auxquelles il participe font référence à un art « géométrique », ou « concret », ou encore « construit » ; son œuvre s’inscrit donc dans une histoire qui irait de Malevitch et surtout Mondrian aux artistes constructifs européens ou minimalistes américains des années soixante-dix, et qui continue à vivre aujourd’hui à travers les travaux d’artistes comme Gerhard Doehler, Vera Molnar, François Morellet, Aurélie Nemours, Yves Popet, Marie-Thérèse Vacossin…

Tous ces artistes développent depuis une œuvre singulière, et les situer aujourd’hui dans des « mouvements » peut sembler excessif. Cela n’a pas toujours été le cas, même si la catégorisation en « mouvement » a toujours été problématique. Mais c’est un fait que, dans les années soixante-dix, autour de ce qu’on appelait abstraction géométrique, ou art cinétique, ou art construit, se développaient des démarches et des travaux, complémentaires, définissant une certaine communauté de pensée et de création : l’art, la peinture ou la sculpture n’ont pour but ni de reproduire ou d’imiter la réalité, ni d’être le lieu de « l’expression » de l’auteur ; il faut développer un langage nouveau, libéré des conventions et des habitudes, qui à la fois retrouve l’essentiel (en se libérant de l’imitation) et puisse être compréhensible pour un public qui ne serait pas constitué d’êtres réduits à une position contemplative face à des œuvres qui seraient par nature mystérieuses.

Il s’agit là d’idées qui ont parcouru le XXe siècle, notamment la deuxième moitié du XXe siècle, et qui se sont particulièrement développées au cours de toutes ces années, sous des formes diverses qui ont pu parfois apparaître alors très contradictoires mais dont nous voyons peut-être mieux, avec le temps la communauté : ainsi, aujourd’hui, nous voyons peut-être davantage qu’auparavant ce qui peut rapprocher le pop art (que Triptyque avait accueilli en 2008 à travers neuf artistes anglais) de l’art « géométrique » ou « minimaliste » : un art non plus métaphysique, ou historique, ou allégorique, mais un art lié à la vie, un art du présent.

Pour rompre avec la tradition de l’imitation et de l’expression, toutes ces formes d’art (géométrique, construit, minimal…) ont semblé développer une démarche puriste, ne mettant en jeu qu’un nombre limité d’éléments. C’est ce qui apparaît d’abord devant les œuvres de Michel Jouët.

Au premier regard, le carré et la ligne droite apparaissent comme les éléments constitutifs, essentiels, les plus visibles, de la plupart de ses œuvres. Souvent leur agencement semble répondre à une logique constructive fondée sur la géométrie, selon des procédures certes simples mais néanmoins rigoureuses, voire systématiques : division et morcellement du tableau carré en carrés équivalents, lignes tracées avec exactitude et positionnées selon une organisation calculée, couleurs réduites et sans variation de lumière ou de matière…

On a là tous les éléments susceptibles de constituer la base d’un système… sauf que Michel Jouët, comme la plupart des artistes qui ont travaillé – et qui travaillent encore – dans le même esprit ne créée pas une œuvre dont le fondement est véritablement systématique ! Ils développent plutôt un esprit d’essence ludique et poétique.

En cela ils sont très différents, par exemple, d’un artiste « concret » comme Richard-Paul Lohse qui, à partir des théories de Mondrian, et en tenant compte des nouvelles réalités technologiques, avait conçu un système géométrique coloré, sur la base de principes constitutifs l’apparentant à une théorie de type scientifique : rationalité, opérationnalité, homogénéité, fonctionnalité…, l’œuvre devenant un « prototype vers un changement de la société et de l’environnement ».

Tous ceux qui se sont intéressés à l’œuvre de Michel Jouët ont bien perçu que, dans cette œuvre, il y avait autre chose que de la stricte géométrie.

Dans le catalogue de l’exposition « Michel Jouët. Lignes sur Faces » (Angers – Nantes – Annecy – Clamart – Bologne – Guéthary, 1995), Dietmar Guderian montre bien la capacité de Michel Jouët d’articuler à la fois des éléments provenant de l’univers abstrait de la géométrie et des formes provenant de l’univers réel qui l’entoure ; il intitule sa contribution : « de l’ordre au chaos, du chaos à l’ordre ». Dans le même catalogue, Gilbert Lascault évoque « Michel Jouët et l’humour de la géométrie », et parle de « géométrie de circonstance », de « géométrie bricolée ».

Serge Teskat, dans son essai « Michel Jouët ou les jeux de la géométrie » (Editions Mirandole, 1998) souligne l’importance de la sensibilité dans le travail de Jouët, qui « joue à contredire la géométrie ».

La géométrie n’intervient pas chez Jouët comme un mode de calcul ou de construction, dont il faudrait percer le mystère pour comprendre pleinement l’œuvre (comme on le fait parfois, en général à tort, pour certains tableaux classiques en recherchant le point de fuite de la construction « en perspective », ou le point qui a servi à la construction des parties d’un tableau selon le nombre d’or).

Certes, de nombreuses œuvres semblent obéir (et obéissent effectivement) à une « règle », mais en fait la règle n’est là que pour constituer la base d’une expérience qui devra être testée par la réalité, ou le lancement d’un jeu sont le résultat final n’est, naturellement, pas connu. La « règle » est donc plus un protocole du travail, une hypothèse à tester, qu’un principe de mise en œuvre et d’organisation ; Et d’une œuvre à l’autre, les règles peuvent changer !!

Dans beaucoup de cas, ces règles n’ont d’ailleurs rien de « mathématique », elles ne sont pas « abstraites » ; elles peuvent être déjà inscrites dans la nature, être le fruit du temps, en rapport avec des activités humaines, voire résulter de « l’aléatoire ».

Dans la série des « souris », par exemple, Michel Jouët partait de photographies de souris évoluant en toute liberté sur une toile rayée noire et blanche.

Dans la série des bottes de paille ou des meules, le point de départ est la vision d’un paysage d’été que des meules de paille, produites par une machine agricole, animent en relief ou en taches à la fois régulières et aléatoires, en fonction du travail de l’agriculteur, de ses déplacements… et variant selon le point de vue du spectateur. Dans les « craquelures » ou « les poutres », l’artiste met en valeur les fissures créées par le temps en les associant à des lignes. Dans les « plumes », les formes géométriques semblent prolonger celles qui sont inscrites dans la nature et qui deviennent cercles, carrés, lignes…

On pourrait multiplier à l’infini ces exemples de « géométries » dans lesquelles l’artiste propose en fait des combinaisons de possibilités, des variations qui peuvent être développées à l’infini, qui se renouvellent sans cesse, aiguisant le regard du spectateur.

À cet égard il faut sans doute souligner que les titres donnés aux œuvres – lorsqu’il y en a – ne doivent pas être vus comme donnant les clés pour comprendre les œuvres ! Tout au plus servent-ils à les différencier, à les nommer. Ils pointent éventuellement certains éléments de l’œuvre, mais ils n’en donnent pas les contenus ou les lectures possibles. Qu’un tableau comportant quelques cercles noirs soit, au départ, un paysage de meules ne nous empêche pas d’y voir bien autre chose. Qu’un tableau soit intitulé « systématique » – un carré blanc parcouru à espaces réguliers de cordelettes blanches teintées de points noirs – ne vous empêche pas d’avoir l’impression d’une œuvre en constant mouvement…

Toutes œuvres donnent donc l’impression d’être très structurées, organisées, mais en même temps d’être totalement aléatoires : leur réalisation, comme la vision que nous en avons, n’est qu’une possibilité parmi d’autres : la géométrie n’est pas une règle qui impose, mais une « règle de jeu ». Elle contribue à construire, mais l’équilibre semble toujours précaire, susceptible de variation, même si, en réalité, il n’en est rien : les tableaux à fil à plomb ne peuvent en fait n’avoir qu’une position, même s’ils nous donnent l’impression d’être dans des positions toujours incertaines.

Les œuvres de Michel Jouët supposent donc un « spectateur émancipé », pour reprendre le titre d’un ouvrage de Jacques Rancière, un spectateur qui par son regard, ses regards, contribue à construire l’œuvre, à lui donner vie et sens. Dans cet ouvrage, Rancière parle d’ailleurs d’« images pensives », pour qualifier les images, qui ne disent pas tout, qui sont indécises, qui font appel à la capacité d’appréciation, de compréhension du spectateur : les œuvres de Michel Jouët sont des « images pensives ».

Chez Jouët, on a du mal à parler de séries, tellement il y en a ! Serge Teskrat s’est essayé à en faire un début de nomenclature : trames, volumes, pourcentages, calques, cordelettes, tensions, dégradés, lucarnes, poutres, craquelures, plexiglas, flexions, fils à plomb, ciels, néons, bottes de paille, plumes, télégrammes, tableaux évidés, souris, diapositives…

Cette énumération, qui constitue une sorte d’inventaire à la Prévert, montre la variété des champs d’exploitation de Michel Jouët. Étant entendu que, dans chaque série, c’est à chaque fois plusieurs jeux particuliers qui sont mis en œuvre.

Et les choses se compliquent encore lorsque l’on sait que Michel Jouët peut prendre les mêmes « thèmes » à plusieurs reprises, à des années d’intervalle, soit pour réaliser ce qui n’avait été que dessiné ou esquissé, soit pour donner une nouvelle forme à une série déjà réalisée.

Les premières meules reproduisent en quelque sorte les photographies qu’avait pu prendre Michel Jouët, transposant ses clichés sur des toiles, faisant apparaître les bottes comme des carrés, ou des rectangles, ou des cercles, un peu déformés, noirs sur fond blanc ; et ces taches pouvaient être assez nombreuses et variées. Par la suite cette série a été reprise, avec des formes moins nombreuses, épurées, simplifiées, géométrisées. Dans les dernières œuvres, la forme peinte est éliminée : elle n’est plus aujourd’hui qu’un cercle creusé à l’intérieur même du support, de la même couleur que le support – une laque blanche, parfaitement blanche, lisse, laissant pleinement la lumière jouer le blanc de l’œuvre.

Plutôt que de « séries », il faudrait donc sans doute parler de « familles », d’œuvres qui ont des airs de ressemblance, qui jouent de la même façon, tout en étant à chaque fois différentes les unes des autres.

À cet égard on peut sans doute établir une parenté entre le travail de Michel Jouët et celui de Véra Molnar : même variété dans les séries, les approches, les jeux de hasard, de variations, de reprises, d’appel à des éléments de la nature aussi bien qu’à des jeux plus « géométriques…, sans être pour autant intellectuels ».

L’art de Michel Jouët n’est donc pas un art « calculé », il fait place à un regard sur le monde, à l’humour et au hasard, voire à l’accidentel. Mais l’aspect géométrique contribue à donner un sentiment d’unité aux œuvres, qui apparaissent comme un tout, un ensemble dont toutes les parties sont non seulement en rapport mais véritablement articulées entre elles.

A la différence des œuvres « classiques », fondées sur la composition (c’est-à-dire l’articulation des lignes, des couleurs, des plans, à travers les figures et éléments « représentés », les œuvres « modernes » reposent sur un regard global dans lequel les « détails » n’ont pas de signification par eux-mêmes.

À la fin des années vingt, le peintre polonais Strzeminski avait élaboré une théorie : l’unisme : il aspirait à une peinture pure, qui soit « un tout visuel organique » ; il peignait des tableaux sans opposition de couleurs, où l’on ne distingue pas la forme du fond, et dans lesquels le regard devait sans cesse « zoomer » entre l’image globale et les détails introduisant ainsi l’idée de mouvement dans l’œuvre.

Dans les années soixante, pour des artistes comme Donald Judd ou Franck Stella le refus de toute forme d’illusionnisme allait de pair avec le refus des effets de composition : la sensation ne pouvait être rendue pleinement que si l’œuvre existait « comme un tout ». (Questions à Stella et Judd. Interview de Bruce Glaser. In « Regards américains des années soixante »).

D’où la simplicité apparente des œuvres. D’où la prise en compte dans les œuvres de tous les éléments qui la constituent, et notamment de leur matérialité, de leur support : le support n’est plus ce qui disparaît derrière l’œuvre, il est la base même de l’œuvre.

Beaucoup d’œuvres de Jouët sont construites dans un format carré : un format qui exprime bien l’équilibre. Certaines œuvres ne jouent même que sur les accidents qui peuvent arriver à ce carré : les carrés peuvent être décalés, coupés, amputés et raccordés, mais on a l’impression qu’il s’agit là de quelque chose de naturel ; les toiles peuvent être pliées, collées, découpées, transpercées (par des fils, une tige de bois, une cordelette, un tube de lumière…), mais elles semblent toujours conserver leur intégrité et leur qualité.

Les œuvres ne sont pas encadrées, parce que le cadre introduirait une limitation de l’œuvre, une coupure avec l’espace qui l’entoure et dans lequel l’œuvre se trouve intégrée : dans certains tableaux de Jouët, on aurait bien du mal à définir les « bords » de l’œuvre, soit parce que des éléments en débordent, ou la traversent, la chevauchent, soit parce que la disposition même de l’œuvre est problématique, comme dans le cas des œuvres construites avec fil de plomb, ou dans le cas des tableaux découpés : dans ces œuvres le fond fait complètement partie de la peinture !

Les œuvres peintes de Michel Jouët ont, finalement, souvent à voir avec la sculpture : même quand les peintures sont plates, délimitées, lisses… Elles semblent jouer avec l’espace, à la fois s’en détacher et se l’annexer, constituer des « reliefs ». On peut dire que Jouët travaille en quelque sorte en 3D !

Pourquoi ce sentiment, pourquoi cette impression ? La réduction des éléments mis en œuvre et des couleurs, et notamment l’usage privilégié du blanc contribuent à ce sentiment d’unité, lié à l’impression de mouvement.

Le blanc n’est pas une non-couleur ou un refus de la couleur : nombre d’artistes du XXe siècle, et parmi les plus importants, nous l’ont montré et fait percevoir.

Kandinsky étudiant la couleur dans « Du spirituel dans l’art », avait déjà noté que le blanc agit comme un silence profond et plein de possibilités, que la ligne est le produit d’une force, un point sur lequel une force vivante est en exercice, que le plan originel est un être vivant que l’artiste « féconde » et dont il sent « la respiration ».

Pour Malevitch, le blanc c’est l’espace, c’est l’infini, c’est l’expression du pur mouvement.

On peut penser aussi à Rauschenberg et à ses White painting de 1951, dont il nous dit qu’elles traitent de « attente suspendue ».

La couleur blanche est à la fois matière, liée au support, et énergie, liée à la lumière.

Dans les œuvres de Jouët, le blanc joue de multiples façons.

Bien sûr, il apparaît souvent comme l’espace sur lequel s’inscrivent les lignes : il est support de dessin, il permet au mouvement des lignes d’apparaître d’autant mieux qu’aucun élément annexe ne vient perturber la vision. Sur une surface blanche, un simple trait, même tracé au cutter, anime la surface. Les formes sont rigoureuses, tracées avec exactitude ; pourtant, sur les bords, on peut observer des effets de tremblement.

Mais il contribue également à faire apparaître le jeu, les matières, les couleurs, les textures, les espaces. Il contribue ainsi à créer des jeux de matière et de profondeur. On ne sait trop alors s’il a pour fonction de cacher, ou de dévoiler. C’est le cas par exemple de tous les « Recouvrements » : en recouvrant une toile peinte (en noir ou en couleur) de blancs superposés, Michel Jouët donne une sensibilité au jeu chromatique.

Dans les tableaux avec fils à plomb ou ficelles, le blanc donne une illusion de profondeur et de mouvement liée autant aux matériaux et aux surfaces qu’aux effets d’ombre provoqués par la lumière sur les fils…

Parfois l’œuvre peut être entièrement blanche, comme par exemple, dans toutes les œuvres qui mettent en jeu des « carrés découpés » ; le blanc contribue alors, par le jeu des ombres et de lumières sur les formes ou les surfaces, à créer des espaces sans qu’on puisse toujours bien dire quels sont les vides et quels sont les pleins.

Dans les œuvres avec des tubes néons, le blanc fonctionne comme une espèce de peau qui capte et diffuse la lumière, qu’elle vienne de devant la toile, de derrière, ou qu’elle la transperce.

On observe la même chose dans les tableaux « Déstructurés » ou « décalés », qui peuvent comporter des tranches peintes, des ouvertures, dont la couleur se réfracte à travers l’espace entr’ouvert.

On peut donc dire que, chez Jouët, le blanc contribue à créer des espaces « à habiter » par le regard, des architectures, si l’on veut bien considérer qu’une architecture n’est pas, d’abord une façade, mais un espace mesuré par l’espace et par la lumière.

Le blanc contribue également à faire de l’art de Michel Jouët un art marqué par le mouvement, et c’est ce qui nous donne le sentiment d’œuvres à la fois simples et complexes, dans lesquelles le sens est toujours à retrouver.

Dans son livre « L’œuvre ouverte », Umberto Eco montre bien d’ailleurs cette importance du mouvement des œuvres, puisque pour lui toutes les œuvres qui nous parlent sont quelque part des « œuvres en mouvement », fondées sur des logiques à plusieurs valeurs, où l’indéterminé est une catégorie du savoir : l’artiste propose des possibilités, l’œuvre existe dans sa totalité, mais elle n’en reste pas moins à chaque fois incomplète…

À cet égard, l’œuvre de Jouët, par son sens du mouvement, le jeu des lignes, l’articulation des vides et des pleins, se rapproche peut-être davantage de l’esprit du groupe MADI que de l’art optique ou cinétique.

Michel Jouët insiste pour sa part sur l’importance capitale pour lui du dessin, dans la mesure où le dessin est ce qui permet de penser et de donner vie à une pensée : le dessin est riche des potentialités qu’il dévoile, le moindre trait sur une feuille ouvre sur un champ de possibles, et d’incertains.

Michel Jouët fait de nombreux dessins. Ils constituent des sortes de boîtes à idées, de modes d’emploi, de propositions de constructions…

Certains sont réalisés, d’autres pas, ou le seront peut-être un jour, combinés à d’autres idées, à d’autres suggestions, à d’autres hasards liés au moment ou aux moyens de leur réalisation.

Michel Jouët a dessiné et « peint » des lignes dans le ciel.

Un avion passe dans le ciel, venant, pour celui qui le regarde, de nulle part et n’allant nulle part. Mais, derrière lui, il trace une grande ligne blanche, à la fois très droite et très mince mais en réalité floue et épaisse. Pourtant cette ligne mince que nous voyons remplit soudain le ciel immense, lui donne la vie.

Qui peut mieux « dessiner » ?

Jacques Sauvageot – octobre 2010


Michel Jouët: an art of life

Michel Jouët is one of those many artists who seek to develop an art that is resolutely new, modern, contemporary: an art of life.

He began to paint and exhibit in the seventies, with artists like Jean Gorin, François Morellet, Luc Peire, and Michel Seuphor – artists known as exponents of ‘geometric abstraction’.

At that time, this term was applied to a group of artists who, following Mondrian in particular, refused to believe that art should be an evocation or imitation of reality, which might then be transcended by the magic skill of the artist. Instead of representing nature, instead of painting being ‘the copy of a copy’ (to use the terminology of Plato, for whom an artist who copied nature was only imitating appearances), these artists wanted to go back to the beginning, and turn to geometry, which enabled them both to demonstrate that art was an intellectual activity, and to base it on an objective, modern approach that brought together artistic and scientific creation.

In fact, history shows that this vision, this presentation, does not correspond to reality, and indeed has never done so.

The artists who have gone furthest along the path of abstraction never wanted to cut themselves off from life, far from it! In1914, when Malevitch unveils his black square on a white background, he presents it as ‘a royal child full of life’ which is going to enable him to create ‘new pictorial realism’. When he paints his white square on a white background, he sees ‘the free white abyss, the infinite’, opening before him.

When, at about the same time, Mondrian begins to create his pictures consisting of vertical and horizontal lines, he speaks of ‘realist-abstract’ art, capable of reflecting the unity of nature existing at a deep level, beyond appearances: the equilibrium he seeks to achieve ‘through an equal balance of mind and nature, of the individual and the universal, of feminine and masculine… can be realized not only in the plastic arts, but in humanity and in society’. (‘Le néo-plasticisme’, an article for the journal Vouloir, written with the assistance of Michel Seuphor in 1926.)

This, then, is far from being an art cut off from life, even if does not imitate it, or take the usual images from it. It is also far from being an art that, because it makes use of simple shapes, has to be uniform, homogeneous, and perhaps repetitive. In fact, when one looks at all the works, there are many obvious variations and developments. Each artist has a particular stance, works on expressing his own sensibility, and offers his way of looking at things, which changes over time. Against this background, where should the œuvre of Michel Jouët be situated?

Like many artists asked to explain, if not justify their work, Jouët has sometimes contributed to a misunderstanding of the meaning of his work. In 1991, he told the director of the Cholet Gallery, Bernard Fauchille, that he had always been ‘fascinated by geometry, and its apparent simplicity’. So, does this mean that his works arise out of geometric constructions? A little later in the conversation, however, the artist mentions ‘a plane trail, a plumb line, a cracked beam… which he finds enchanting’, and refers to ‘ideas (that) come at night: I do a drawing, I tear it up, I make multiple drawings, only some of which get translated into larger formats… There is always something that emerges.’ Here he seems to be describing a very different way of working!

All Michel Jouët’s works display a combination of these two approaches, but the pictures with plumb lines, or those with feathers are particularly significant.

Jouët has often used string or thread: it is both a line, and material without thickness, certain sections of which can be dyed, so they can go from being invisible to being visible. It creates a space different from that of the canvas, while referring to what is happening on the canvas. It can stick to the surface, or hang off it, increase the space, or create a space that is both virtual and real.

The plumb line pictures could come close to being ‘mechanical’ works, suggesting rigidity and precise geometry. It is they, however, which perhaps enable us to see the effect of chance – a poetic feeling, and one which can be renewed from one piece to the next: the pictures are at the same time unstable, but necessarily balanced. Whatever direction they go in, all the lines seem to be in the right place!

What makes the feather, with its lightness, fragility, and delicate colours… seem to fit so well in the network of geometric lines, of which it seems to be the organizing element? The natural lines and the geometric ones work here in perfect symbiosis. In bringing opposites together, Jouët has this special ability to give us a sense of great conceptual rigour, accompanied by a poetic vision.

Michel Jouët continues to make paintings and sculptures – constructions that are more or less paintings or sculptures. He certainly attaches great importance to the space the work occupies, and has made a considerable number of public art works (factory walls in Le Mans, the courtyard of the university restaurant of the Nantes Faculty of Science, a pyramid in a park in Annecy…). Despite this, he is not an installation artist, who would seek to combine different media or formats, to create a space with which the spectator could interact. For him, the design must appear in all its simplicity, with a kind of obviousness. He refuses above all anything that could give a ‘technological’ dimension to his works, which he wants to give an impression of being ‘natural’ presences of some kind.

Jouët’s work is also unironic. When he paints ‘Work clothes’ in 2006, the picture consists of green and white stripes: one has the pattern and colours of work clothes, but also, above all, a picture composed of a harmony of colours and a relationship of surfaces. When he lays out a picture in an unusual way, he brings in an element of balance by drawing a motif – so that everything ends up seeming to be ‘in its place’.

His aim is not then to divert objects, and still less art, but rather to lead us to direct our gaze in all directions, outside our usual habits and what is ‘obvious’.

Like all artists who are not locked into producing a system, Michel Jouët has developed over time; his work has naturally been influenced by what happened in twentieth century art. However, through these influences, and these shared discoveries, he has always sought to develop open ideas.

For example, like a number of other artists, Jouët is interested in neon and fluorescent light, which enable one both to play with the diffusion of light, and also to create seemingly simple effects with colour. One can see that he has succeeded in putting it to all kinds of uses: light can shine through the canvas, or reveal its transparency, or just appear in gaps. Every work is an opportunity to play with light in a new way, and to exploit new possibilities when immaterial light combines with the materiality of the medium.

Like many artists, Jouët has interrogated the format of canvas and frame, in numerous works, and in different ways. The ‘shaped canvases’ are paintings done on non-rectangular canvases (they are round, triangular, and sometimes even have relief surfaces), and have a long history (they have been used since the Renaissance). Works of this kind were much revisited in the sixties by a series of artists who wanted to challenge the pictorial tradition and open art to life: Jasper Johns, Fontana, Stella… The works of these artists are well known to Jouët, but his own, which might seem similar, are actually quite different in spirit. His pictures with shaped edges, or ones which bring together several forms, or which move fragments or squares about, paradoxically, do not end up challenging the work’s format (painting, or sculpture), but in fact strengthen the medium, while at the same time opening up for it a free space, and room to breathe.

Similarly, when Jouët ‘opens’ the canvas (by making regular slits with a craft knife, or by ‘moving aside’ two parts of the square (thus revealing colours that are not on the surface of the canvas but on the edges of the support inside the picture), or by cutting part of the canvas and then sticking on the edges a bit of the backing, the material of which functions as a colour), he does not negate the canvas, or the work: the shape which appears on the side seems to correct, rectify and complete the part that has been taken away, while actually confirming its presence (unlike Lucio Fontana, for example, whose main aim in his slashed works is to express his ‘spatial concept’ of a piece that can at the same time be a painting, sculpture, matter, form and space, establishing a continuum between the space occupied by the work, and that of the spectator.

Even in the case of pieces that employ the same procedures (folding, overpainting, tearing…) each offers a particular, original experience, rather than being the result of an approach that remains the governing factor – though it might admit of some variations – and which would provide or justify all works created using it. One cannot therefore really talk about series: the plumb lines, the pictures with feathers, the overpaintings… do not in fact constitute sets: the pieces have connections with each other, but each remains individual, a specific territory.

Jouët is neither an artist appealing only to the eye, nor systematic: his pictures can seem to depend on processes of construction or deconstruction, and to give a sense of movement. Despite this he is not a kinetic artist, one creating works on the basis of laws on the working of colour, or of optical mechanisms.

As in minimalist art, his work employs simple forms, in which the artist’s personality seems to disappear. Great importance is given to simplicity, to the essential nature of materials: colours are used without shades or substance. But his works always express a certain poetry, and something like uncertainty. In this regard he is undoubtedly generally closer to someone like Dan Flavin than to Carl Andre.

The works look as if they have been made by an anonymous person; there is no sign of a gesture from the artist; everything seems to have been created and constructed in the most impersonal and simple way possible: the technique is anonymous, the materials unremarkable.

At the same time, however, it is clearly not industrial production. Not just because it is not mass produced, but also because each material, surface, line and colour seems to have its own materiality and express a particular life. The objects are not sophisticated. The constructions seem to be very precise, but do not involve complicated mechanisms. They are in a way very ‘natural’. It is for this reason that Michel Jouët is undoubtedly, alongside Gottfried Honegger, Vera Molnar, François Morellet, Yves Popet, and Sigurd Rompza, one of the most representative artists of contemporary ‘art construit’ [constructed art]: an art full of life, youth and poetry.

 

Jacques Sauvageot – April 2010

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Michel Jouët: a ‘constructor’

The piece looks like a big painting. The background is white, as if it has not been painted, but in fact it is covered in white paint, evenly laid on, with no visible brush marks, or depth of paint. On this surface that is ‘at the ready’ there is a set of black lines, very black, suggesting roads, leading one’s gaze in various directions. Some of these lines seem thick – they are almost bars; others are thinner, looking more like pen strokes, scratches, or sometimes even blades of grass. These lines do not depict anything, yet nonetheless seem to ‘draw’ something.

The lines can group together. Some form blocs, while others leave clear the space in which they are drawn. What space? One does not know, but there is a space. Similarly, one realizes that this set of lines has not come about simply by chance: there is a ‘composition’. But it cannot be called geometric composition: there is too much variety – the lines go in too many directions. The result seems very simple, but in fact one has a strong sense that, behind it all, there is a certain complexity. In the same way that the white of the surface is not an empty surface, but a space for something to appear or be written on, the black lines are not simply black, not really parallel or really crossed; and when they intersect they look as if they are moving spaces, like signs appearing in the sky.

This painting is one of a group of three, which have the same format and are apparently similar in terms of their lines, shapes and colours (if black and white are considered to be colours), but which are all different. In one of them the lower half of the canvas is all white, with all the lines grouped in the upper part, where they seem to point skywards. In the other two works the lines occupy the whole surface of the canvas, both centre and edges, and the variations in thickness of the lines, and the angles they make, suggest something more complicated.

These three pieces make up the series ‘Interpretation of a work by Paolo Uccello’ painted by Michel Jouët in 1987. Between 1456 and 1460, Paolo Uccello, one of the most important artists of the early renaissance, painted three pictures commemorating the battle of San Romano in 1432, in which the city of Florence triumphed over Siena. The three panels painted by Uccello depict three episodes in this battle. They are now dispersed among three galleries (the National Gallery in London, the Louvre in Paris, and the Uffizi in Florence), but they were originally intended to adorn three walls of a single room in a Florentine palazzo, to enhance the effect of the bizarre perspectives from which these pictures were painted. Uccello is often regarded as being the inventor of perspective, but more than anything, this artist is regarded as being ‘strange’.

His perspective is a concealed device: his pictures of the battle of San Romano, with their tumbling helmets, suits of armour, horses and lances – the lances are one of the main motifs of the pictures, and are what Jouët ‘interprets’ – have no depth; the colours are strong and pure, and the accent is on large simplified shapes. Perspective, which does nonetheless underpin the construction, is for Uccello simply an exercise of the imagination, and helps create a picture that today seems almost futurist! From what one knows of Michel Jouët, it’s no accident that this picture by Uccello should have been so iconic for him.

His own works operate in the same world: the underlying composition is disciplined, mathematical, ordered – neither naturalistic nor sentimental – but they then go beyond the construction process to express a pre-eminently poetic vision, a passion for line, form and space, by means of a limited range of shapes and colours.

 

Jouët’s ‘sculptures’ date back to the early seventies. Their basic idea may seem simple, or obvious. We have been led to believe that the property of a cube is that it is a volume that has identical square faces; thus, at the base of the cube there are its edges, which go in three directions and determine its volume. Jouët, however, breaks the line, gives it thickness, and stands his cube on end. This totally upsets our perceptions, and the way everything works: the lines become volumes, and the main volume becomes empty space. His sculpture gives an impression of lightness, and movement, rather than making its effect through its mass, which is what one would expect. How things are perceived varies greatly, according to the material chosen to make the sculpture, the colour applied to it, and the thickness of the tube that the cube is made of.

In the early sixties, Tony Smith was already playing with the complexity of the simple form of the cube. ‘Die’ is a black metal cube, each side measuring six feet. Speaking of it, he said ‘It’s a complicated piece. It has too many references to be coped with coherently.’ Indeed, one does not know if this piece is to do with a game, or death (the title could refer to either), whether it is a full volume or an empty volume, or what side it should be viewed from.

The same complexity is to be found in Jouët’s ‘sculpture’, though with different methods and different aims. Unlike Tony Smith, Jouët splits the cube, gives it a colour, tips it up… so that in his work the cube disappears amid the play of lines: his sculpture appears in the first place like a graphic game moving in space, rather than as a volume defined by its weight, mass and material. This is sculpture, but also painting.

A great number of Jouët’s works play with this ambivalence between painting and sculpture, which he has explored for a long time, and which is currently found in many contemporary works (such as Buren’s ‘Rings’ on the Quai des Antilles in Nantes). This is art which has links to architecture.

The majority of his pieces, even the pictures, have thickness, are inscribed on a volume, or define a volume, which means that his work, even though it attaches great importance to line, can never be seen as the application of colours or lines to a surface, which thus underlines its flatness: even the overpaintings  (the canvases whose coloured base is covered by successive coats of white paint) have a certain thickness! The medium thus has its own thickness – a volume – which plays its part. On this volume, lines that are drawn, surfaces that are painted, suggest or create depth.

Various kinds of materials are often grafted onto, or play with the medium; they have their own character – it’s often graphic – but Jouët tends to subvert them or turn them around in some way, to make them into ‘bits of architecture’.

In the 2000s, in a series of works consisting of cut out squares, he moves some of the squares, thus revealing the support below, bringing an element of relief into the picture, or its edges, which the light on the surface of the picture strengthens, sometimes even creating an illusion of depth, which does not exist!  Jouët succeeds in creating volume with threads or strings stretched on the surface of pictures. He may pierce pictures with neon tubes, or light them from behind so that they become deep spaces.

In this context, the pictures with plumb lines are all the more interesting in that they both allow one to clearly see this reality, and to understand that it is based on a trick! This is something that is real –  construction – but that at the same time has to do with potentiality, illusion, and paradox. In the nineties Jouët made the plumb line ‘the axis of his painting’: in these works, the plumb lines are necessarily always straight – vertical – but the pictures to which they are attached can be at an angle, and carry graphics where it’s impossible to tell whether they’re on a slant, or straight. The pictures convey an impression of lightness which comes from the plumb line! What we perceive as light and unstable in reality rests on mass, weight and balance. Ultimately, we are in the realm of both the paradoxical, and of the normal.

The majority of Jouët’s pieces work by creating this ambiguity, which begins by setting up a system of construction where the construction is subverted, and makes things that could be very complex seem natural and simple. How is it, for example, in the pictures that include feathers, that these feathers, randomly picked up in the countryside, seem to have been expressly made to appear in the design that Jouët provides for them?

Jouët has often spoken of the relation there may be between his work and architecture. Like an architect, he makes constructions out of constraints, out of materials, assembling often ‘simple’ elements together. And his works seem made to appear in a contemporary architecture. The aspect of Jouët’s work that relates most closely to architecture is the purity on which the architectural design relies, and which it expresses: the way (good) architecture can be a space suggesting an idea, a breath, a dream, rather than a heavy mass. It is no accident that Jouët makes one think of the work of architects such as Le Corbusier, Frank Lloyd Wright, Oscar Niemeyer, or Tadao Ando. He undoubtedly numbers among those artists of ‘art construit’ who, following Mies Van Der Rohe, can proclaim ‘less is more!’

Jacques Sauvageot

May-June 2010

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Movements and feelings

‘Construction is to make things hang together. Architecture is to create emotion.’

Le Corbusier

Going into a Jouët exhibition is to enter a world that at first seems very simple, but whose strangeness we quickly become aware of, without at all being able to give a reason for this feeling! The pieces all seem to follow the same logic and to be work of a clearly-defined type. Very soon, however, there’s a sense that one has got into a universe of tremendous diversity, and that the works, that at first sight seemed quite similar to each other, actually relate to different worlds that are sometimes ultimately indefinable. Calling Jouët a ‘geometric’ or ‘construction’ artist, or in his early years, a ‘kinetic’ or ‘op’ artist, perhaps enables us to say what his works look like, but not what they are exactly, or what they express, or what we can or could see in them!

Jouët is one of a group of artists who were proponents in the seventies of a ‘modern’ art, which was, and remains precisely that – like Mondrian’s pictures which still raise questions and still move us with their radical nature – like the Citroën DS, which, if one sees one still on the road, always seems the image of a modern car, and of the avantgarde!

Simplicity is not the same as poverty! And the richness of a work is not necessarily linked to its apparent complexity! In this context, one might recall the conversation (reported by Thomas B. Hess in the catalogue of the 1972 Newman exhibition at the Grand Palais in Paris) that took place between Elaine de Kooning and Franz Kline, and a collector, who was raging as he left Barnett Newman’s first one-man show. In the opinion of the collector, ‘there was nothing, absolutely nothing’ to see except a dozen canvases, ‘all exactly the same, with a stripe in the middle, that’s all.’ When questioned by the artists, the collector finally has to admit that the pictures differ in size, colour, their stripes and their proportions. In the end, he realizes that he has not looked at them properly; Franz Kline concludes that he now thinks it all ‘seems fiendishly complicated’!

In 1972 Jouët emerged as one of the artists in the ‘geometric abstraction’ movement. He was active in the Salon des Arts in Cholet, and exhibited in the Argos Gallery in Nantes (with Lucio Del Pezzo, Jean Gorin, François Morellet, Luc Peire, and Michel Seuphor). Thereafter, despite a period of fifteen years during which he refused to show anything, he has taken part in many exhibitions, in France, and particularly abroad (Germany, Saudi Arabia, Brazil, Spain, Greece, Italy, the Netherlands, Poland, Switzerland). Apart from his one-man shows, the collective exhibitions he has contributed to reference ‘geometric’, ‘concrete’ or ‘constructed’ art; his works thus belong to a tradition going from Malevitch, and especially Mondrian, to the European construction artists, or the American minimalists of the seventies, and which lives on today in the work of artists such as Gerhard Doehler, Vera Molnar, François Morellet, Aurélie Nemours, Yves Popet, and Marie-Thérèse Vacossin.

Subsequently all these artists developed their own particular oeuvres, and fitting them into ‘movements’ now may seem unreasonable. That has not always been the case, even if categorizing ‘movements’ has always been problematic. However, it is a fact that, in the seventies, around what was called geometric abstraction, or kinetic art, or art construit, there was a development of  approaches and works that were complementary, and which showed a certain community of thought and creation: art – painting or sculpture – does not set out either to reproduce or imitate reality, or to be a place for ‘self-expression’; a new language has to be developed, freed from conventions and habits, which both rediscovers the essential (by getting away from imitation), and can be understood by an audience that does not consist of beings whose only role is to contemplate works that  are by nature mysterious.

These are ideas that were current throughout the twentieth century, particularly in the second half, and which developed throughout the period in different forms that might at the time have seemed very contradictory, but whose common elements we can now, with the passage of time, see more clearly: thus today we perhaps see better than before what links pop art (which Triptyque gave a place to in 2008 by including nine English artists) to ‘geometric’ or ‘minimalist’ art; an art that was no longer metaphysical or historical, or allegorical, but one connected with life, an art of the present.

To break with the tradition of imitation and self-expression, all these forms of art (geometric, minimalist, art construit) seemed to develop a purist approach, only making use of a limited number of elements. That is what one first notices, when looking at Jouët’s works. At first sight, the square, and the straight line seem to be the essential and most visible constituents of most of his pieces. Often the way they are organized seems to follow a constructive logic based on geometry, according to procedures that are indeed simple, but nonetheless strict, or even systematic: the division and breaking up of the square picture into equal squares, precisely drawn lines, positioned in a calculated manner, limited colour, and no variation of light or material.

Here one has all the elements required to form the basis of a system… except that, like most of the artists who worked (or who are still working) with such views, Jouët does not make work with a basis that is truly systematic! Rather, these artists develop an outlook that is essentially playful and poetic. In this they are very different from a ‘concrete’ artist such as Richard-Paul Lohse, for example, who, following Mondrian’s theories, and taking into account the new technological realities, conceived a colourful geometric system, on the basis of principles that made it into a kind of scientific theory: rationality, operational effectiveness, homogeneity, and functionality. The work became a ‘prototype for changing society and the environment’.

All those who have taken an interest in Jouët’s work have been in no doubt that in it there is something other than strict geometry.

In the catalogue of the exhibition ‘Michel Jouët. Lignes sur Faces’ [Lines on surfaces] (Angers – Nantes –  Annecy –  Clamart –  Bologna – Guéthary, 1995), Dietmar Guderian convincingly demonstrates Jouët’s ability to link elements from the abstract world of geometry with forms from the real world surrounding him: his article has the title ‘From order to chaos, from chaos to order’. In the same catalogue Gilbert Lascault writes about ‘Michel Jouët and the humour of geometry’, speaking of ‘occasional geometry’ and ‘DIY geometry’. In his essay ‘Michel Jouët or geometrical games’ (éditions Mirandole, 1998) Serge Teskrat emphasizes the importance of sensibility in Jouët’s work, which ‘plays to contradict the geometry’.

In Jouët’s work, geometry does not serve as a means of calculation or construction, whose mysteries need to be fathomed before the work can be fully understood (as people sometimes – generally misguidedly – seek to do with some classic pictures, by looking for the vanishing point of the composition, or the point used to construct parts of a picture according to the golden number). Of course, many works seem to follow a ‘rule’ (and in fact do so), but in fact the rule is only there to provide a basis for an experiment that will be tested by reality, or to begin a process whose final outcome is of course unknown. Thus the ‘rule’ is more a working hypothesis to be tested, than an organizing principle to be implemented. And, from one work to the next, the rules can change!

Furthermore, in many cases, there is nothing ‘mathematical’ about these rules; they are not ‘abstract’; they can already exist in nature, be produced by time and human activities, or can even result from something ‘random’.

In the ‘mouse’ series, for example, Jouët’s starting point was photographs of mice moving about freely on a black and white striped canvas. In the ‘straw bale’, or ‘haystack’ series, the point of departure is the sight of a summer landscape where the bales made by a piece of agricultural machinery create relief or patches of colour which are both regular and random, depending on how the farmer goes about his work… and which vary according to the standpoint of the spectator. In ‘cracks’ or ‘beams’, the artist highlights the cracks created by time, adding lines to them. In ‘Feathers’ the geometric shapes seem to continue those found in nature, which become circles, squares, and lines.

One could go on endlessly finding examples of ‘geometries’ in which the artist is actually setting out combinations of possibilities – variations which can be worked out ad infinitum, and which are constantly repeated, in new and different ways, making the spectator look more closely. It should probably be emphasized here that, if and when titles are given, they should not be seen as providing the key to understanding the works. At most, titles serve to differentiate them, and give them names. They may point to certain features of the piece, but do not convey its content, or the ways in which it may be read. The fact that a picture featuring some black circles started out as a landscape with hay bales does not stop us seeing something quite different in it. The fact that a piece is called ‘Systematic’, and is a white square crossed by evenly spaced white cords marked with black dots, does not stop you having the impression of a work that is in constant movement…

All the works thus seem very structured and organized, and yet at the same time, totally random: the way they are made, like the way we see them, is only one possibility among others; geometry is not a rule to be followed, but a ‘rule of the game’. It contributes to the construction, but the balance always seems precarious and open to modification, even if that is not really so: the plumb line pictures can only have one position, despite the fact that they give an impression of being in positions that are still uncertain.

Michel Jouët’s pieces thus call for an ‘emancipated spectator’, to use the title of a book by Jacques Rancière – a spectator who, by the way, or ways he or she looks at it, contributes to the construction of the work, and to giving it life and meaning. In this work, Rancière also speaks of ‘reflective images’ to describe images that do not say everything, that are not cut and dried, and that require the spectator’s assessment and understanding: Jouët’s works are ‘reflective images’.

It is difficult to talk about series in Jouët’s work, because there so many of them. Serge Teskrat took on the task of beginning a list: networks, volumes, percentages, copies, cords, tensions, gradations, windows, beams, cracks, plexiglass, bends, plumb lines, skies, neons, bales, feathers, telegrams, hollowed out pictures, mice, slides… This list, which is a kind of catalogue in the style of Prévert, indicates the variety of fields that Jouët has engaged in. It should be borne in mind that, in each series, on each occasion, a variety of individual games are brought into play. Matters are further complicated by one’s knowledge that Jouët can take the same ‘themes’ on separate occasions, over many years, either to create something formerly only drawn or sketched, or to give a different form to a series that had already been realized.

The first Bales are, in a way, reproductions of photographs taken by Jouët; he then transferred his pictures onto canvases, representing the bales as slightly misshapen black squares, rectangles, or circles on a white background; these marks could be fairly numerous and varied. Subsequently he returned to this series, reducing the number of shapes, which were refined, simplified and made geometric. In the later works the painted shape is eliminated: it is now only a circle hollowed from the medium, and the same colour as it – a white gloss paint, which is perfectly white, and smooth, and gives free rein to the light to play on the white of the piece.

Rather than ‘series’, one should probably therefore talk about ‘families’ – works that seem to have similarities, and which work in the same way, while each being different one from the other. In this respect, one can probably detect a kinship between the work of Jouët and that of Véra Molnar: there is the same variety in their series, approaches, the workings of chance, variations, reworkings, the use of elements from nature, as well as in gambits that are more ‘geometric…, without being in any way intellectual’. Michel Jouët’s art is thus not ‘calculated’, it allows room for a view of the world, for humour, and for chance, even for the accidental. The geometric aspect, however, helps give the works a feeling of unity, making them seem a complete whole, all of whose parts are not only linked, but really inter-connected.

Unlike ‘classical’ works, which are based on composition (that is, the bringing together of line, colour, plane, by means of the figures and elements that are ‘represented’, ‘modern’ works are based on a global view in which ‘details’ in themselves have no significance.

At the end of the nineteen twenties, the Polish painter Strzeminski formulated a theory: Unism, which aspired to a pure painting that was ‘an organic visual whole’; he painted pictures without contrasting colours, in which there was no distinction between form and background, and in which the eyes had to constantly ‘zoom’ between the overall image and details, thus bringing an idea of movement into the piece.

In the sixties, for artists like Donald Judd or Frank Stella, the rejection of any form of illusionism went along with a rejection of compositional effects: sensation could only be fully rendered if the works existed ‘as a whole’. (Questions to Stella and Judd. Interview by Bruce Glaser. In Regards américains des années soixante [American views of the Sixties]. Hence the apparent simplicity of the works. Hence the concern in the works with all the elements of which they were made up, particularly their materiality, their medium: the medium is no longer what disappears behind the work, it is its very foundation.

Many of Jouët’s works are made in a square format: one which strongly suggests balance. Some pieces simply play with the accidents which can befall this square: squares may be moved around, cut, sliced and joined together again, but one feels that something natural is involved; the canvases can be folded, glued, cut out, pierced through (by threads, a wooden rod, a cord, or a light tube), but they always seem to preserve their wholeness and qualities.

The works are unframed, because a frame would impose a limit on the work, cutting it off from the surrounding space, which it is part of. With some of Jouët’s pictures it would be difficult to identify the ‘edges’ of the work, either because some elements overflow it, or cross or overlap it, or because the very arrangement of the work is problematic, as in the case of the works made with a plumb line, or in the case of cut out pictures: in these works, the back is absolutely part of the picture!

Michel Jouët’s painted works are often ultimately related to sculpture: even when the paintings are flat, delimited and smooth. They seem to play with space, both detaching themselves from it, and entering into it, becoming ‘reliefs’. Jouët could in a way be said to work in 3D! Why is there this feeling, this impression? The thing that helps create this feeling of unity, and the impression of movement, is the narrow range of elements and colours employed, and particularly the preference for white.

White is neither a non-colour nor a rejection of colour: a number of twentieth century artists, including some of the most important ones, have clearly demonstrated this. When considering colour in Du spirituel dans l’art [Concerning the spiritual in art], Kandinsky said that white acts like a deep silence that is full of possibilities, while the line is produced by a force – a point on which a living force is brought to bear –, and the basic plane is a living being that the artist ‘makes fruitful’, and whose ‘breathing’ he hears.

For Malevitch, white is space, the infinite, the expression of pure movement.

One can also think of Rauschenberg, and his 1951 White paintings, that he said were to do with ‘suspended expectation’.

White is both a medium, connected to the support, and energy, connected with light.

In Jouët’s work white has many roles. It often figures, of course, as the space on which lines exist: it is the base for drawing, allowing the movement of lines to be best seen with no secondary element getting in the way. A simple line, even one marked with a knife, on a white surface brings that surface to life. The shapes are exact, drawn with precision, but at the edges signs of wavering can be seen.

White also helps to set off the elements at play, the materials, colours, textures, spaces. It thus contributes to the interplay of material and depth. It is thus difficult to know whether it serves to conceal or reveal. This is the case, for example, with all the ‘Recouvrements’ [Cover ups]: by applying layers of white to a painted canvas (black or coloured), Jouët brings sensibility into to the chromatic range. In the pictures with plumb lines or strings, white gives an illusion of depth and movement, which arises as much from the materials and surfaces as from the shadow effects created by the light on the threads.

Sometimes the piece can be completely white, as in the case of all the works featuring ‘cut out squares’; here, by means of the play of light and shade on the shapes or surfaces, white helps create spaces, without one always being able to tell which are empty and which are full. In works with neon tubes, white acts as a kind of skin, which holds and diffuses light, whether it comes from in front of the canvas, from behind it, or through it. The same thing is to be seen in the ‘deconstructed’ or ‘irregular’ pictures, which may have painted sections, or apertures, whose colour is refracted across  the partially opened space.

One can thus say that, in the work of Jouët, white serves to create spaces for the eye ‘to inhabit’ –architectures – if one is prepared to consider architecture as being not primarily a façade, but a place composed of space and light.

White also helps make Jouët’s art one that is characterized by movement, and gives us the feeling that his works are at the same time simple and complex, and that their meaning has yet to be uncovered.

In his book The Open Work, Umberto Eco provides another demonstration of the importance of movement for works of art; in his view, all the works that speak to us are in some way ‘works in movement’ and are based on logics of multiple values, where the indeterminate is a category of knowledge: the artist puts forward possibilities, the work exists in its totality, but nonetheless for ever remains incomplete.

In this respect Jouët’s work, with its sense of movement, play of lines, and articulation of empty and occupied space, has perhaps more in common with the outlook of the MADI group than with Op art or kinetic art.

Jouët himself insists on the overriding importance that drawing has for him, because it is what enables him to think, and to give life to a thought: drawing is full of possibilities which he discovers – the slightest line on a sheet of paper opens up a field of possibilities and uncertainties. He makes countless drawings. They are a kind of suggestion box, containing ideas, instructions, blueprints. Some get made, some don’t – or perhaps they will be made at some later date – in combination with other ideas, other suggestions, and other circumstances connected with the time they are realized, and the mediums used.

Jouët has drawn and ‘painted’ lines in the sky.  A plane passes up in the sky, coming from nowhere and going nowhere, as far as anyone looking at it can see. But it draws behind it a long white line, apparently both straight and very thin, but actually blurred and thick. Yet this thin line we see suddenly fills the huge sky, bringing it to life. Who can do a better drawing than that?

Jacques Sauvageot – October 2010