Frédéric Panni

En petit et en grand

Michel Jouêt (né en 1943) pratique depuis les années 1960 un art qualifié de géométrique, concret ou construit. Disons qu’il imagine avec méthode et réalise avec des moyens plastiques élémentaires des séries d’objets de pure forme qui constituent de réelles expériences visuelles pour leur spectateur. L’originalité et la richesse d’invention de l’artiste sont connues de ses pairs et des amateurs. La rigoureuse légèreté des ses « peintures » et la malicieuse austérité de ses compositions sont des constantes.

À l’occasion de l’exposition organisée par la Fédération Française du Bâtiment de Maine-et-Loire, il est utile de souligner combien Michel Jouët est un constructeur accompli. L’artiste opère à différentes échelles de la création plastique. Il va et vient entre le petit et le très grand avec le même entrain. Les tableaux de petits formats, grâce à la simple fragilité de leur constitution ou de leur équilibre, décrivent un espace beaucoup plus vaste ou manifestent des phénomènes de grande ampleur. Les compositions monumentales de Michel Jouët interviennent d’une façon surprenante et parfaitement délicate dans l’environnement proche et lointain du site. Le mur du lycée de la Mode à Cholet (1989), la façade de l’usine de la route de Laval au Mans (1994) et le parvis du Restaurant Universitaire de la Faculté des Sciences de Nantes (J.-F. Salmon et E. Gouesnard architectes, 1998) sont des réussites éloquentes. Ces réalisations et les multiples projets de création monumentale de l’artiste ne transposent pas en grand ce qui a été conçu en petit, abstraction faite de l’environnement donné. Ils résultent de la capacité quotidienne qu’a Michel Jouët d’interpréter immédiatement le monde qu’il parcourt, d’en proposer en permanence l’encodage ou le décodage visuel à travers le crible de sa géométrie alerte. Le sillage d’un avion à réaction dans le ciel bleu (Plane trails, 1990), transféré sans retouche sur la toile monochrome, trace une ligne vaporeuse. Par la simple application de deux barres obliques parallèles sur la façade de l’usine du Mans, un fronton incongru coiffant un hangar devient un motif plastique significatif dans un espace éventuellement unifié par l’automobiliste de la zone industrielle. Les bancs de la Faculté des sciences de Nantes sont d’étranges résurgences de l’architecture blanche et anguleuse formant le parvis.

Michel Jouët construit des espaces avec un sens exact de leur échelle et de l’interaction de l’œuvre avec son milieu naturel, architectural, urbain et social. Il faut souhaiter aux commanditaires publics et privés d’avoir un jour la chance de confier un projet à Michel Jouët.

Frédéric Panni

Conservateur du patrimoine.2007