Bernard Truffault
Le Sphube
L’artiste, par exception, lui a donné un titre. Ce n’est pas une énigme, il y a sphère, il y a cube. Une chose est certaine, il occupe l’espace uniquement par des lignes. Il pique la curiosité, il parle à l’intuition mais est-ce une œuvre d’art ou bien un trompe-l’œil ?
Le géomètre, blasé, dresse un premier constat. C e fil noir décrit un carré gauche, dont les deux côtés déterminent deux plans horizontaux et deux verticaux.
Emmanuelle Tenailleau
Paroles sensibles
Michel Jouët est un homme accueillant, prêt à vous recevoir dans son univers. Au fur et à mesure de la conversation, il se révèle entièrement tourné vers le futur, en quête d’universel et de pureté.
Voir son œuvre constitue une véritable expérience, physique, mentale, sensible. Une expérience nouvelle pour tous ceux qui ne pratiquent pas ce monde de l’art géométrique. Prenez le temps de vous laisser couler dans les espaces créés.
Christiane Talmard
Une petite phrase de Jean TARDIEU, mise en citation dans ce catalogue, ne cesse de me traverser l’esprit comme une flèche décochée par un archer plein de malice et de subtilité, dès l’instant où je pense à Michel JOUËT.
« Prolonger une ligne droite à l’infini, qu’est-ce que vous trouverez au bout ? »
Jacques Sauvageot
Michel Jouët : un art de la vie
Michel Jouët fait partie de tous ces artistes qui cherchent à développer un art qui soit résolument nouveau, moderne, contemporain, un art de la vie.
Il a commencé à peindre et à exposer dans les années soixante-dix avec des artistes comme Jean Gorin, François Morellet, Luc Peire, Michel Seuphor…, des artistes dits de « l’abstraction géométrique ».
Claude Renouard
THEOREME
Il y en a plein, comme les volutes de l’Etna.
Des noirs des blancs parfois des rouges ou des gris.
Ce sont des jeux de formes géométriques, des lignes de surfaces, mais aussi des plans des forces, du hasard beaucoup, de l’humour.
Puis il y a le Monde, les murs, qu’il voit blancs, la nature, d’autres murs, d’autres espaces qui s’imposent et qu’il modifie par ses créations.
Un objet « tableau » ou « sculpture » de Jouët est insolite, l’accumulation des « Jouët » trouble, puis réjouit.
Sylvain Reboul
LA GEOMETRIE EROTIQUE DE MICHEL JOUËT
La rencontre avec les œuvres de Michel Jouët me plonge dans l’équivoque: géométrie froide, minimale et néanmoins subtile, vibrante, sus tendue par une sensualité (dé)libérée : je découvre alors que, à l’opposé de l ‘art de François Morellet, du puritanisme moral de celui-ci qui se manifeste par l’humour et la dérision, Jouët, alors même qu’il utilise ou réinvente un langage proche, construit une géométrie variable du plaisir: un érotisme à la pureté ironique et joyeuse.
Frédéric Panni
En petit et en grand
Michel Jouêt (né en 1943) pratique depuis les années 1960 un art qualifié de géométrique, concret ou construit. Disons qu’il imagine avec méthode et réalise avec des moyens plastiques élémentaires des séries d’objets de pure forme qui constituent de réelles expériences visuelles pour leur spectateur. L’originalité et la richesse d’invention de l’artiste sont connues de ses pairs et des amateurs. La rigoureuse légèreté des ses « peintures » et la malicieuse austérité de ses compositions sont des constantes.
François Molnar
Volupté ou austérité ?
La préface d’un catalogue, traditionnellement, sert à expliquer les œuvres exposées, partant du principe de toute évidence faux que le préfacier connaît mieux les œuvres et l’intention de l’artiste que l’artiste lui-même. Le préfacier prétend traduire l’œuvre, une sorte de traduction de langage codé en langage clair. Malheureusement, il n’y a ni grammaire, ni vocabulaire pour cette traduction, et peut-être n’y a-t-il même pas de contenu à traduire : il est difficile d’expliquer l’inexplicable. Il faut pourtant écrire, c’est la tradition qui le veut. D’où la langue de bois de tant de critiques depuis un demi-siècle. Les anciens n’avaient pas de problèmes, Vasari de la ressemblance : « Il ne lui manque que la parole » était son compliment favori. Diderot voulait que le portrait d’un tailleur ressemble à un tailleur ; même Baudelaire et Zola avaient à leur disposition ce « garde-fou » qu’est la nature.
Michel Luneau
Le même et son contraire
L’eau et le feu. Pour une fois ensemble et s’attirant. D’un côté les vagues dans un enroulement incessant, de l’autre le miroir, l’impassibilité obstinée du miroir. D’un côté la paix de l’eau gelée qui protège son mystère, de l’autre le fleuve en crue qui déverse et déverse. D’un côté l’émotion violente, de l’autre le silence assourdissant. D’un côté Stravinsky, son sacre du printemps, de l’autre l’hiver de Vivaldi, notes et neige immaculées. D’un côté la prière, de l’autre le tourment. D’un côté le passage en force de la lumière à la forme, de l’autre la sérénité d’une clarté en apparence neutre, synthèse éblouissante des sept couleurs du spectre. D’un côté la gesticulation furieuse, incroyablement maîtrisée, des vides et des pleins, de l’autre le geste bref, méticuleux, mathématique qui n’autorise que le cercle ou le trait ou le point. D’un côté la sensualité affichée, la volupté de l’herbe qui se donne libre cours, de l’autre la pudeur attisante, secrète, anxieusement contenue.