Gilbert Lascault

Michel Jouët et l’humour de la géométrie

1- Les non-géomètres peuvent, eux-aussi, entrer

Une tradition indique qu’au fronton de l’Académie, Platon aurait fait inscrire la phrase : « que nul n’entre ici s’il n’est géomètre ». Cette phrase signifie, bien sûr, que la géométrie doit déjà être connue par le futur philosophe, que l’étude de la géométrie peut être considérée comme une propédeutique à la réflexion philosophique, que la géométrie ne sera pas enseignée dans l’Académie même… L’attribution de cette phrase à Platon est d’ailleurs contestée (1).

Quoi qu’il en soit de l’origine de cette phrase, nul ne voudra l’inscrire à l’entrée d’une exposition de Michel Jouët. Les géomètres et les non-géomètres peuvent trouver grand plaisir et occasions de penser à partir des œuvres de Michel Jouët. Tout au plus, pourrait-on signaler que les géomètres s’amuseront encore davantage à ces jeux de lignes et de surfaces.

2- Le simple et le subtil

Dans ses Cahiers (2), Paul Valéry note : « L’on ne saurait être trop subtil ; et l’on ne saurait être trop simple. Trop subtil parce que les choses l’exigent ; trop simple parce que notre existence et nos actes le commandent. »

Il nous faudrait donc tenter d’apprendre à lier ensemble subtilité et simplicité. Aves leurs géométries ironiques, des artistes actuels (comme, par exemple, Michel Jouët, François Morellet, Vera Molnar et aussi les belges Léon Wuidar et Dirk Verhaegen) peuvent nous aider à penser ce que peut être une simplicité subtile.

Paul Valéry dit encore de la subtilité (3) : « La subtilité consiste à voir dix possibilités où la non-subtibilité en verra trois. Elle est un grossissement. » Parfois avec des lignes maigres, Michel Jouët le subtil nous incite à opérer de tels grossissements, de telles multiplications des possibles.

3- Une ligne est une imagination

Vous continuez à lire, à relire les Cahiers de Paul Valéry (4). Vous découvrez, presque par hasard, deux phrases à demi-énigmatiques : « Pas d’espace sans imagination motrice. Une ligne est une imagination. » Les œuvres de Michel Jouët font partie de l’imaginaire des lignes. Elles proposent une poétique des lignes. Elles suggèrent l’existence de rêves géométriques et celle de désirs qui seraient à l’origine des actes des géomètres…

Ou encore Paule Valéry écrit, sur le cheveu et sur la lumière, des phrases qui intéresseront Michel Jouët, occasionnel utilisateur dans ses œuvres de fils et ficelles : « il ne faut pas couper le cheveu en 4, mais en 8, en 16, en 24. Il faut le couper si avant que le brun ne se distingue plus enfin de la lumière qui le fait voir ». (5)

4- Les géomètres comparés à Dieu

Sûrement sans vous prendre au sérieux, il vous arriverait de comparer l’humour de Dieu et l’humour des géomètres. Paul Claudel place en épigraphe de sa pièce de théâtre, Le soulier de satin, un proverbe portugais : « Deus escreve direito por linhas tortas ». Dieu écrirait, par humour, droit grâce à des lignes courbes. Et l’on pourrait dire que certains artistes géomètres parviennent à faire surgir le courbe, le tordu à partir de lignes droites.

5- Le Sphube et la valise

Dans le catalogue que vous lisez actuellement le mathématicien Bernard Truffault analyse une œuvre de Michel Jouët, Le Sphube. Le sphube naît de la rencontre de l’idée de sphère et de celle de cube.

Le mot sphube est un « mot-valise », comme ceux qu’a étudiés, en 1952, le Docteur Gaston Ferdière dans les textes littéraires et dans les paroles des enfants (6). Lewis Carrol, dans La chasse au Snark, invente «frumious» (fuming + furious). Dans les livres d’Hervé Bazin, deux mots-valises apparaissent : «Folcoche (folle +cochonne) et «Kleftomanie» (clef + cleptomanie). Michel Leiris, dans l’âge d’homme, analyse comment il invente le mot «portel» (porte + bordel). Freud étudie, dans Le mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient, le « famillionnaire » de Heine (familier + millionnaire) et la façon de nommer le temps de Noël « the alcoholidays ». Pour un enfant de neuf ans, le dentiste « tragouille » (travail, trafique, farfouille, trifouille). Un enfant de six ans dit à son père qui s’interrompt au cours d’une histoire : « racontinue » (raconte + continue). Un autre enfant a peur que sa sœur puisse « s’étrangeuler » (s’étrangler + gueuler)… Vous vous mettez à rêver d’une valise en forme de sphube.

6- Légèreté du sphube

Le sphube est une sculpture légère, où le « vide » trouve une forme et pèse (si l’on peut parler d’un poids du « vide ») plus que le plein. Michel Jouët m’indique qu’un des sphubes qu’il a fabriqués pèse 200 grammes, mais que le cubage de l’air qu’il délimite pèserait 400 grammes.

Le jeu avec le vide vous amènera peut-être à penser à la phrase de Lao-Tzu : « Trente rayons se joignent en un moyeu unique ; ce vide dans le char en permet l’usage. D’une motte de glaise, on façonne un vase ; ce vide dans le vase en permet l’usage. On ménage portes et fenêtres pour une pièce ; ce vide dans la pièce en permet l’usage. L’avoir fait l’avantage, mais le Non-avoir fait l’usage ». Réfléchissant sur l’importance de « vide » dans le sphube, vous resterez perplexe. Car peut être l’usage du sphube, sinon d’offrir une occasion de penser autrement que de façon habituelle ?

7- Les déchets et le choix

Quand il évoque certains reliefs de plastique, Michel Jouët indique qu’il les construit à partir de déchets dont il élimine certains : « Ce sont (dit-il) des chutes récupérées dans l’atelier. Je les ai laissé tomber jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de vide. Après il faut choisir : il y a des déchets, beaucoup de déchets ». Il trie dans un ensemble de débris et donne à certains une nouvelle chance.

8- Géométrie de circonstance

Il faut réhabiliter la notion d’un art de circonstance : des œuvres, des poésies faites pour une occasion particulière, comme gestes d’amitié et de célébration. Michel Jouët a envoyé beaucoup de télégrammes dessinés, dédiés à un ami (par exemple à l’occasion d’un vernissage), qui utilisent les initiales d’un nom, un numéro de téléphone, une date et composent un ensemble à partir d’une répétition de ces éléments.

Feraient partie également de cet art de circonstance certaines commandes, parfois monumentales. Michel Jouët crée souvent ses grandes œuvres en fonction du nom d’une firme, d’une société, en fonction de la grandeur et des particularités d’un mur, en fonction des divers points de vue d’où l’œuvre pourra être considérée.

L’œuvre obéit ainsi à un certain nombre de contraintes, tout en jouant avec elles. Et ce jeu réglé conduit l’artiste à explorer des voies qu’il n’aurait pas imaginées sans l’existence des contraintes, à inventer des solutions, des formes inattendues. Ce jeu pourrait être mis en rapport avec les recherches qu’effectue, en littérature, l’Oulipo (Ouvroir de Littérature potentielle), groupe reconstitué en 1960 autour de François Le Lionnais et Raymond Queneau.

9- Géométrie bricolée

Dans certaines œuvres de Michel Jouët, apparaissent des fils, des tiges de fibre de verre ou de carbone, des grilles. Tout cela demande à être placé, réglé avec soin, au moment de l’installation ou du déplacement d’une pièce. Il s’agit alors d’une géométrie bricolée, aménagée. Ce qui ne signifie pas une géométrie inexacte.

Malgré les déplacements éventuels des pièces, les fonds blancs doivent rester immaculés. Lorsqu’il emballe une œuvre, l’artiste place dans l’emballage des gants pour sa manipulation. Chaque œuvre a sa propre boîte, solide.

10- Travaux pratiques

Les œuvres de Michel Jouët pourraient parfois servir d’illustration à des travaux pratiques et à des problèmes de géométrie amusante. On relirait par exemple les problèmes qu’invente le poète Jean Tardieu (7) : « Etant donnés deux points, A et B, situés à égale distance l’un de l’autre, comment faire pour déplacer B, sans que A s’en aperçoive ? » Ou bien : « Quel est le plus long chemin d’un point à un autre ? » Ou encore ; « Prolonger une ligne droite à l’infini : qu’est-ce que vous trouvez au bout ? »

11- Flatland

Vous pourriez aussi penser, face à de telles œuvres, à l’étrange livre d’Edwin A. Abott, Flatland, publié, semble-t-il, au milieu du XIXè siècle (8). Y est rêvé un monde à deux dimensions. Une étrange population vit dans cet univers. « Nos femmes sont des lignes droites. Nos soldats et nos ouvriers sont des triangles qui ont deux côtés égaux. (…) Notre classe moyenne se compose de Triangles équilatéraux. (…) Les membres des professions libérales et les gentilshommes sont des carrés et des pentagones ». Vient ensuite la noblesse qui commence avec les Hexagones. « Enfin, lorsque le nombre de côtés devient si grand, et que les côtés eux-mêmes sont si petits qu’il est impossible de distinguer la figure d’un cercle, elle entre dans la classe circulaire ou ecclésiastique » …

12- Géométrie et finesse

Pour Michel Jouët et pour d’autres artistes du XXè siècle, il est possible d’allier l’esprit de géométrie et l’esprit de finesse. On reprend ici, de manière libre, les termes de Pascal.

13- Défense et illustration du noir et blanc

L’ensemble des œuvres de Michel Jouët peut être considéré comme une défense et illustration du noir et blanc, même si les couleurs y reviennent assez souvent.

Les jeux du noir et blanc sont d’abord choisis pour eux-mêmes, à cause du caractère « radical » de l’opposition, à cause également de la diversité, de la richesse des voies qu’ils ouvrent. Il y a déjà tant à inventer à partir du noir et du blanc que l’artiste n’a guère envie de sortir de ces explorations. De plus, comme le montre toute une partie de l’art du XXè siècle, la limitation du nombre des moyens picturaux constitue (peut, en tout cas, constituer) une contrainte heureuse, libératrice, qui oblige l’artiste à échapper aux habitudes mentales, aux stéréotypes.

D’autre part, Michel Jouët se méfie de deux excès auxquels pourrait le conduire un usage incontrôlé des couleurs. L’un des excès serait le choix du décoratif, la complaisance envers le joli, envers l’immédiatement séduisant.

L’autre excès, plus grave encore peut-être aux yeux de Michel Jouët, consisterait à se servir de la couleur dans le but d’exprimer des affects, des états d’âme. Parlant en 1994 avec Jean-Pierre Arnaud, Michel Jouët dit « Je ne vois pas ce qu’il y a d’intéressant à mettre du jaune, du rouge, du bleu ciel, quand tout va bien. Et du marron quand on a mal au ventre ». Grâce au noir et blanc, grâce à la géométrie aussi, l’artiste mettrait une distance entre son travail et ses affects, entre ses recherches et les troubles éventuels de son corps et de son âme. Il échapperait ainsi aux tentations de l’autobiographie, de l’épanchement, de l’effusion, de la confidence et de la confession. Il éviterait anecdotes et psychologisme. Grâce à l’ascèse du noir et du blanc, il mettrait en place une certaine sérénité en art, écartant, autant qu’il est possible, le tragique , le pathétique, les attitudes romantiques.

14- La pensée du dehors

Souvent les œuvres de Michel Jouët dépassent, outrepassent, franchissent les limites rectangulaires ou carrées de leur support. Elles débordent. Elles sortent en dehors d’elles-mêmes. Elles se continuent hors d’elles-mêmes. Des tiges-lignes excèdent les limites de la toile. Dans l’autre cas, le regardeur est invité à regarder la « tranche » d’une toile afin qu’il puisse voir que l’œuvre n’est pas formée de carrés noirs sur fond blanc, mais de bandes blanches sur fond noir. Assez souvent les ficelles, les fils tendus forment un léger relief sur le support. Dans la série des œuvres avec fil à plomb, l’essentiel est hors des limites, manifestant l’attraction terrestre.

Il y a, dans ces œuvres, l’esquisse de ce que Michel Foucault a nommé, à propos de Maurice Blanchot, « la pensée du dehors » (9). Elles soulignent et transgressent les limites. Chez Michel Jouët, les lignes ne se résignent pas à rester enfermées, prisonnières. Elles sortent de leur place, de leur lieu. Elles s’échappent de la surface plane constituée par le support. Elles donnent l’idée d’un débordement, d’un franchissement sans romantisme, calme, réglé.

Michel Jouët est conscient de la perturbation sans pathétique, liée à la simplicité subtile des lignes. En 1991, il raconte ; « J’ai toujours été fasciné par la géométrie, son apparente simplicité… Rien n’est trop simple ; il faut arriver au « je ne sais quoi », au « presque rien », et soudain, il se passe quelque chose, tout bascule, tout déconstruit (…).

15- Le hasard qu’on mérite

Dans cette recherche de la déconstruction réglée, l’artiste choisit de collaborer avec le hasard, de faire confiance à l’aléatoire. Il veut jouer avec le hasard et amener le hasard à jouer avec lui. Dans les œuvres, actes volontaires et effets d’événements extérieurs interviennent ensemble. Certaines sculptures partent de poutres que marque une fissure, une faille que des lignes viennent souligner. Certains tableaux trouvent leur origine dans la photographie de lignes tracées dans le ciel par des avions. Pour d’autres œuvres, Michel Jouët plonge, sans « calcul », une partie d’un écheveau de fil blanc dans un liquide noir et obtient ainsi des rythmes aléatoires de noir et de blanc.

Dans ses collages sur papier de plume d’oiseaux, trouvées dans la campagne, Michel Jouët souligne non pas une géométrie secrète du monde, mais une géométrie discrète des détails de la nature. Il refuse l’accidentel, le hasard subi, le laisser-aller, les négligences. Il collabore avec le hasard choisi, le hasard élu, le hasard poursuivi, le hasard provoqué. Il affirme : « il faut jouer avec l’aléatoire. Finalement, on a le hasard qu’on mérite ». (10)

Ces deux phrases appellent au moins deux remarques. D’abord, le hasard y apparaît comme un partenaire de jeu, ni aboli, ni dominant. D’autre part, si (comme le dit Michel Jouët) on a le hasard qu’on mérite, il faudrait faire une classification, une hiérarchie des hasards. Tous les hasards n’auraient pas la même valeur, le même pouvoir.

Gilbert Lascault – 1995


Michel Jouët and the humour of geometry

1 – Also open to non-geometers

Legend has it that Plato had inscribed over the entrance to the Academy the sentence ‘Let none but geometers enter here.’ These words of course mean that the would-be philosopher must already be familiar with geometry, that the study of geometry can be considered a necessary preliminary to philosophical thought, or that geometry will not be taught in the Academy itself … The attribution of the words to Plato is however contested (1).

Whatever the origin of the phrase, no one would wish to see it written over the entrance to a Michel Jouët exhibition. Both those who are familiar with geometry, and those who are not can find Michel Jouët’s work very enjoyable and thought-provoking. The most one might say is that those who know about geometry will gain even more pleasure from these plays of line and surface.

2- Simplicity and subtlety

In his ‘Cahiers’ (2), Paul Valéry says ‘One cannot be too subtle and one cannot be too simple. Too subtle because things require it, and too simple because our existence and our actions demand it.’

We therefore need to try to learn how to combine subtlety and simplicity. With their ironic geometry contemporary artists (such as, for example, Michel Jouët, François Morellet, Vera Molnar, and the Belgians, Léon Wuidar and Dirk Verhaegen) can help us think about what a subtle simplicity might be.

On the subject of subtlety (3) Paul Valéry also says ‘Subtlety is seeing ten possibilities where non-subtlety sees three. It is a magnification.’ Sometimes, with his thin lines, the subtle Michel Jouët encourages us to make such magnifications, such multiplications of possibilities.

 

3- A line is something imagined

As you read and re-read Paul Valéry’s ‘Cahiers’ (4) you will discover, almost by chance, two somewhat enigmatic sentences: ‘There is no space without a moving imagination. A line is something imagined.’  Michel Jouët’s works are part of the imaginary world of lines. They offer a poetic of lines. They suggest the existence of geometric dreams, and of desires that lie behind what geometers do…

There are also words written by Paul Valéry on hairs and on light that would be of interest to Michel Jouët, who occasionally uses threads and strings in his work: ‘Hairs must be split, not into four, but into eight, sixteen, twenty four. They must be split so far that the brown is no longer distinguishable from the light that makes it visible.’ (5)

4- Geometers likened to God

Without being too serious about it, of course, you might compare the humour of God, and the humour of geometers. Paul Claudel makes a Portuguese proverb the epigraph for his play the Satin Slipper: ‘Deus escreve direito por linhas tortas.’ (Humourously, God writes straight, thanks to bent lines.)  And one may say that some geometer-artists manage to construct bent and twisted things out of straight lines.

5 The Sphube and the portmanteau

In the catalogue you are now reading the mathematician Bernard Truffault analyses a Michel Jouët piece called the Sphube. The sphube is a product of the meeting of the idea of the sphere with that of the cube.

The word sphube is a ‘portmanteau word’ like those in literary texts and children’s language, which were studied in 1952 by Doctor Gaston Ferdière (6). Lewis Carrol, in The Hunting of the Snark, invents ‘frumious’ (fuming + furious). There are two portmanteau words in the works of Hervé Bazin: ‘folcoche’ (folle [mad] + cochonne [filthy]) and ‘kleftomanie’ (clef [key] + cleptomanie [cleptomania] ). In L’âge d’homme [the Age of Man] Michel Leiris discusses how he coined the word ‘portel’ (porte [door] + bordel [brothel] ). In Jokes and their relation to the unconscious, Freud examines Heine’s ‘famillionnaire’ (familier [familiar] + millionaire), and how Christmas is called ‘the alcoholidays’. For a nine-year-old, what the dentist does is ‘tragouille’ (travaille, [work] + trafique [fiddle] + farfouille [rummage] + trifouille [poke]. When his father stops in the middle of a story a six-year-old says ‘Racontinue’ (raconte [tell] + continue). Another child is afraid his sister may ‘s’étrangueuler’ (s’étrangler  [choke] + gueuler [shout]. You start imagining a sphube-shaped portmanteau.

6 – The lightness of the sphube

The sphube is a light sculpture in which ‘emptiness’ finds a shape, and weighs (if one can talk about the weight of ‘emptiness’) more than a solid. Michel Jouët tells me that one of the sphubes he has made weighs 200 grammes, but that the volume of air it delimits weighs 400 grammes.

This play with emptiness will perhaps make you think of the words of Lao-Tzu: ‘Thirty spokes meet in a single hub; this empty space makes the chariot usable. A vessel is shaped from a lump of clay; it is the empty space within it that makes it usable. One gives a room doors and windows; it is the empty space in the room that enables it to be used. Having something is a benefit, but not having something makes it usable.’ When thinking about the importance of ‘emptiness’ in the sphube you will be puzzled. For what can the use of the sphube be, if not to give an opportunity to think in a different way from usual?

7- Junk and choice

À propos of certain  reliefs in plastic, Michel Jouët says he makes them from junk, some of which he discards: ‘It’s stuff that has been picked up off the studio floor.  I’ve dropped it until there’s no more empty space. Then I have to choose: there’s junk, a lot of junk.’ He sifts through all the bits and gives some a new chance.

8- Occasional geometry

We need to reclaim the idea of occasional art: works of art or poetry made for a particular occasion as acts of friendship and celebration.  Michel Jouët has sent a lot of pictorial telegrams dedicated to friends (to mark a private view, for instance), which use initials, telephone numbers, dates; the repetition of these produces a composition.

A number of commissions, some of which are on a large scale, also belong to this category of occasional art. Michel Jouët often creates his major works on the basis of the name of a firm or company, the size and particular nature of a wall, or the various viewpoints from which the piece can be considered.

The piece thus recognizes a certain number of constraints, while playing with them. And this regulated game leads the artist to take paths he would not have thought of had the constraints not been there, and to find solutions, and unexpected shapes. This game can be compared to the explorations, in literature, of Oulipo (Workshop of potential literature), the group that formed in 1960 around François Le Lionnais and Raymond Queneau.

9- Improvised geometry

In some of Michel Jouët’s work there are threads, fibreglass or carbon rods, or grids. All this needs to be carefully positioned and organized when a piece is installed or moved. It thus involves improvised, practical geometry. This does not mean that it is imprecise geometry.

Despite the fact that the pieces may be moved elsewhere, the white bases must remain immaculate. When he packs up a work the artist includes gloves in the package, to be worn when handling it. Each work has its own thick box.

10- Practical work

The works of Michel Jouët could sometimes serve as illustrations for practical work, and for fun geometry problems. One might, for example, look again at the problems thought up by the poet Jean Tardieu (7): ‘Given two points A and B, situated at an equal distance from each other, how can one move B without A noticing?’ Or ‘What is the longest way from one point to another?’ Or ‘Extend a straight line to infinity – what do you find at the end?’

11- Flatland

Confronted by such works, you may also think of the strange book by Edwin A. Abbott, Flatland, published, it seems, in the middle of the nineteenth century (8). In it is imagined a two-dimensional world. A strange population lives in this universe. ‘Our women are straight lines, Our soldiers and workers are triangles with two equal sides. (…) Our middle class consists of equilateral triangles (…) Members of the liberal professions and gentlemen are squares and pentagons.’ Then come the aristocracy, starting with the hexagons. ‘Finally, when the number of sides becomes so great, and when the sides themselves are so small that it is impossible to distinguish the figure from a circle, we go into the circular, or ecclesiastical class’…

12- Geometry and subtlety

For Michel Jouët and other twentieth century artists it is possible to combine the spirit of geometry with that of subtlety.  Here one may freely return to Pascal’s terminology.

13- A defence and illustration of black and white

Michel Jouët’s body of work can be seen as a defence and illustration of black and white, even if colour appears in it not infrequently.

Plays with black and white are chosen first of all for their own sake, because of the ‘radical’ nature of the contrast, and also because of the diversity and richness of the paths they open up. There is already so much to make from black and white that the artist has little desire to quit these explorations. Furthermore, as is shown by a considerable part of twentieth century art, limiting the number of pictorial tools is (or at least can be) a beneficial and liberating constraint which makes the artist avoid stereotyped mental habits.

Michel Jouët, though, is careful to avoid the two kinds of excess he might risk by an uncontrolled use of colour. One of these would be to opt for the decorative, favouring prettiness, and what is immediately attractive.

The other excess, perhaps even more serious in the eyes of Michel Jouët, would be to use colour so as to express emotions and states of mind. Speaking to Jean-Pierre Arnaud in 1994 Michel Jouët says ‘I do not see what’s interesting about using yellow, red or sky blue when everything’s going well. And brown when you’ve got a pain in your stomach.’ Thanks to black and white, and to geometry, the artist can put a distance between his work and his emotions, between his explorations and any bodily or spiritual ailments he may have. Thus, he can escape the temptations of autobiography, outpourings, effusions, revelation and confession. He will avoid trivial details and psychologising. Thanks to the asceticism of black and white he can establish a certain serenity in art, keeping at bay, as much as possible, tragedy, pathos, and romantic attitudes.

14-The thought from outside

Often the works of Michel Jouët overshoot, exceed, go beyond the rectangular or square bounds of what supports them. They overflow. They go outside themselves. They carry on beyond themselves. Rod-lines exceed the boundaries of the canvas. In other cases one is invited to look at the ‘cut’ of a canvas to see that the work is not made up of black squares on a white background, but of white stripes on a black background. Quite often strings or stretched threads form a delicate relief on the support. In the series of works with plumb lines, the key thing is beyond the borders, showing the earth’s gravitational pull.

In these works there is a suggestion of what Michel Foucault called, when writing about Maurice Blanchot, ‘the thought from outside’(9). They emphasize and transgress borders.  In Michel Jouët’s work lines are not content to be shut in and imprisoned. They go out of position, leave their place. They escape from the plane created by the support. They convey the idea of an overflowing, a surmounting: it is not romantic, but calm and orderly.

Michel Jouët is aware of the perturbation without pathos that is bound up with the simplicity of lines. In 1991, he says ‘I have always been fascinated by geometry and its apparent simplicity… Nothing is too simple; one needs to reach the “I don’t know what”, the “almost nothing”, and suddenly something happens, everything changes dramatically, everything comes apart (…).’

15- The luck one deserves

In this exploration of ordered deconstruction, the artist chooses to work with chance, to put his trust in uncertainty. He wants to play with chance and get chance to play with him. In the works, there is an interplay of voluntary acts and effects caused by external events. Some sculptures developed out of beams marked by a crack, a fault which the lines emphasize. Some pictures originated from photographs of the trails left in the sky by planes. For other works Michel Jouët, without ‘calculation’, plunges part of a skein of white thread in a black liquid and thus obtains random alternations of black and white.

In his collages on paper featuring bird feathers found in the countryside Michel Jouët does not highlight a secret geometry of the world, but a discrete geometry of details of nature. He rejects the accidental, chance that has been submitted to, carelessness or negligence. He works with chance that has been chosen, chance that has been selected, chance that has been pursued and provoked. He says ‘One needs to play with the random. In the end one gets the luck one deserves.’ (10)

These two phrases invite at least two comments. First, chance seems to be a partner in the game, one that is neither excluded nor dominant. On the other hand, if (as Michel Jouët says) one has the luck one deserves, a classification or hierarchy of chance needs to be made. Not all instances of chance have the same value or the same power.

Gilbert Lascault – 1995