Frédéric Khan Panni

Michel Jouët à l’ouvrage

Michel Jouët nous donne des objets intéressants à voir. Insistons : qui présentent des qualités originales du point de vue plastique, de la mise en forme des matériaux. Le travail est déjà salutaire à cet égard.

Il n’est peut-être pas d’abord question de style. Mais, prosaïquement, d’un système de contraintes et de règles de la production des ouvrages, également consenties et souhaitées. Le format élémentaire courant est un carré de 110 cm de côté, celui qu’accepte, exactement, le coffre de la berline de l’auteur. Les matériaux des collages ont d’abord l’avantage d’être disponibles : ficelles trempées dans la peinture, rebuts d’enseignes en plexiglass, allumettes, poils, fil à plomb, billes de bois, plumes d’oiseaux. Cette sélection, comme il se doit, ne manque pas de références ou de signification : l’auteur est bien un constructeur. Et l’œuvre est riche de la stricte économie de ses trouvailles.

Les machines de Michel Jouët concrétisent, avec une perfection technologique et arithmétique rare, des formules, les solutions de problèmes : Passage de l’horizontale à la verticale selon des rotations successives identiques de 6° (MUR DU LYCEE DE LA MODE A CHOLET, 1988), Contamination de la sphère par le cube et réciproquement (SPHUBE, 1992), soient une ficelle de nylon blanc ou/et peinte en noir et un panneau de 110 cm de côté et de 4 cm d’épaisseur peint en blanc ou noir dont la tranche, tendre la ficelle sur l’avers du panneau en utilisant une seule fois chacun des points de fixation (SERIE DES FICELLES, années 1960-1990), étant donné un panneau de bois de 110 cm de côté et un monceau de fragments disparates de plexiglass, accumuler ceux-ci sans limitation d’épaisseur sur celui-là de façon à masquer complètement et parfaitement le support (ACCUMULATIONS, 1991).

Formules, problèmes sont dérisoires. Les machines sont parfaites et rieuses. Mobiles dans les années 1960 et toujours « cinétiques », vacillantes. Là, notre œil s’évertue à observer le fil à plomb tendu à la verticale, ici à vérifier l’orthogonalité des trames entre elles. Les idées de ce constructeur sont exactement poétiques. Leur matérialisation leur fait gagner de l’intensité sur un mode particulier d’approbation de l’environnement. Les fissures du bois, les craquelures de la peinture, d’anciens tableaux même ou encore des souris deviennent motifs. Le plus grand trait, mais s’effaçant, sur la plus grande surface : le sillage de l’avion à réaction, photographié et sérigraphié, trace sur un aplat noir ou bleu une passionnante série de polyptiques (PLAIN TRAILS, 1990).

Frédéric Khan Panni